Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1
LE GRAND-DUC, No. 40.
Le Grand-duc du Cap de Bonne-Espérance me paroît absolument n’être qu’une variété de l’espèce que nous trouvons en Europe; il a précisément les mêmes caractères et à peu près les mêmes couleurs; il m’a semblé seulement un peu plus petit et plus ramassé. Il porte aussi deux espèces d’oreilles, formées par deux longues touffes de plumes qui s’élèvent de chaque côté du front, précisément au-dessus des yeux, et que l’oiseau a la faculté de relever quand il lui plaît, mais qui la plupart du tems restent appliquées contre la tête. Ces espèces d’oreilles, sont le seul caractère distinctif par lequel on reconnoît des autres oiseaux nocturnes, ceux auxquels les nomenclateurs ont donné le nom de duc. Nous connoissons en France trois espèces différentes de ces oiseaux à plumes relevées sur la tête: savoir, le grand-duc, le moyen-duc et le petit-duc ou scops. Non-seulement ces trois espèces se trouvent aussi en Afrique, mais elles paroissent généralement répandues dans tout l’ancien continent, où l’influence du climat a peu changé leurs couleurs; car la différence la plus remarquable de leur plumage est d’être simplement plus ou moins foncé de brun ou taché de noir; variations que nous observons également dans les différens individus tués dans le même pays.
Quant au Grand-duc de Virginie, décrit par Edwards, Buffon s’est mépris en le regardant aussi comme une simple variété de notre Grand-duc; j’ai examiné cinq de ces oiseaux du nouveau continent, et je leur ai trouvé des caractères très-distinctifs de ceux de l’ancien. Premièrement les oreilles ou aigrettes, comme l’a très-bien remarqué Edwards, partent de la base du bec dans le Grand-duc de Virginie ou de la baie de Hudson; tandis qu’elles sortent directement au-dessus des yeux dans les autres. De plus il y a aussi une différence marquée dans la construction des aîles de ces oiseaux et dans la longueur de leur queue: caractère que le climat ne change jamais. Nous remarquerons encore que le plumage du Grand-duc d’Amérique est rayé transversalement d’une manière très-régulière, tandis que dans notre Grand-duc il est taché suivant la longueur des plumes. J’ai examiné trente-deux Grands-ducs d’Europe, et je n’en ai vu aucun dans ce nombre dont les aigrettes partissent de la base du bec. Il se peut que dans la figure qu’Aldrovande a donnée du Grand-duc, le peintre ait placé les aigrettes sur le nez; mais ce n’est point d’après une mauvaise figure que l’on doit établir les caractères d’un animal; et Buffon a eu tort, d’après l’inspection de cette seule figure, de conclure que cette variété se trouvoit également en Europe. Au reste, ce n’est pas la première fois que nos ornithologistes ont donné aux oiseaux des caractères pris au hasard, soit d’après des dessins peu corrects, soit d’après les imperfections d’un individu mutilé, qu’ils n’avoient jamais vu que dans un cabinet.
C’est sur les bords de la rivière des Éléphans que j’ai trouvé, en Afrique, le Grand-duc. Il est un peu plus petit que ceux que j’ai vus en Europe; il a généralement aussi plus de noir dans le plumage du dos et des aîles. Les yeux, le bec et les ongles sont absolument de la même couleur. La ponte est de trois œufs; et c’est dans les rochers que la femelle les dépose, sur un tas de petites branches, mêlées de mousse et de feuilles sèches.
LE MOYEN-DUC.
Notre Moyen-duc se trouve dans presque toute la Colonie du Cap de Bonne-Espérance; il se retire et pond également dans les rochers, et on le rencontre souvent en plaine pendant le jour. Cette espèce a encore moins varié, dans le climat de l’Afrique, que celle du grand-duc.
LE SCOPS.
C’est dans le Camdeboo que j’ai trouvé le Scops ou Petit-duc. Ce charmant petit oiseau de nuit n’a absolument point varié en Afrique, ni pour la taille, ni pour les couleurs: il est parfaitement semblable à ceux que j’ai tués dans les environs de Paris.
J’ai également reçu de Cayenne un très-petit-duc qui m’a paru être de la même espèce que celui d’Europe et d’Afrique; ses couleurs étoient simplement plus roussâtres sur les aîles et le dos. Mais cet oiseau étant en Europe plus roux dans son jeune âge que lorsqu’il est adulte, il est probable que celui d’Amérique, que j’ai vu, n’avoit pas encore quitté la livrée de l’enfance qui, comme je l’ai déja fait observer, est généralement chez tous les oiseaux carnivores, mêlée de beaucoup de roux dans les premières plumes: cette couleur dominant même pendant toute la première année.