Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1
LE GABAR, No. 33.
Nous avons, à l’article de l’oiseau de proie que j’ai nommé acoli, fait mention de sa ressemblance avec le faucon chanteur, et nous avons en même tems indiqué leurs caractères distinctifs. Voici maintenant une espèce d’épervier qui a le plumage encore plus ressemblant à celui du faucon chanteur, dont la taille égale, comme nous l’avons vu, celle de la soubuse, tandis que l’acoli lui étoit inférieur: c’est le Gabar plus petit encore que ce dernier, à peu près de moitié, puisqu’il n’est pas plus fort que notre épervier d’Europe. Nous insistons sur cette échelle de grandeur, parce que cette différence très-marquée est celle qu’on peut assigner et saisir le plus facilement au premier coup-d’œil[18]. On ne pourra donc confondre le Gabar ni avec le faucon chanteur, ni avec l’acoli. Un caractère très-distinctif de cet épervier africain, et qu’il a de commun avec nos éperviers d’Europe, c’est d’avoir les aîles fort courtes; elles ne dépassent point les couvertures du dessus de la queue; tandis que dans les deux précédentes espèces elles ont assez de longueur pour s’étendre par-delà le milieu de la queue.
Le Gabar est vraiment un épervier qui remplace en Afrique l’espèce que nous trouvons répandue dans toute l’Europe, et qui ne se rencontre dans aucune des parties de l’Afrique où j’ai pénétré, quoique Kolbe nous assure l’avoir vu au Cap. Mais il est bien étonnant que, de tous les oiseaux de nos contrées que ce voyageur dit avoir trouvés au Cap de Bonne-Espérance, je n’en aie vu aucun; tandis qu’il ne dit, au contraire, pas un mot de tous ceux que j’y ai trouvés et qui effectivement sont communs à l’Europe et à cette partie du monde, où ils n’ont pas subi la plus légère variation, ni dans leurs couleurs, ni dans leur manière de vivre. Je parlerai de tous ces oiseaux à mesure qu’il sera question des genres auxquels ils appartiennent.
Après avoir donné la description de l’espèce d’épervier que j’ai nommée Gabar, il me restera à parler, dans l’article suivant, d’une seconde espèce très-petite, mais très-différente, d’éperviers.
La taille du Gabar égale, comme je l’ai dit, celle de notre épervier; il est seulement moins alongé, parce que sa queue est un peu plus courte. Toute la partie supérieure du corps, la tête et les joues sont d’un gris-brun, plus foncé sur le manteau et à l’occiput. Les couvertures du dessus et du dessous de la queue sont blanches; les grandes pennes des aîles sont brunes dans toutes les parties qui se voient quand elles sont pliées; en dessous, elles ont toutes des bandes transversales; les moyennes sont terminées en blanc. La queue, carrément coupée, est en dessus barrée de brun foncé, sur un fond plus clair; en dessous, elle l’est de blanc et de noir lavé. La gorge ainsi que la poitrine sont d’un gris bleuâtre. Tout le reste du corps et les jambes très-culottées, portent une fine rayure de brun-clair sur un fond blanchâtre. Les yeux sont d’un jaune vif. La base du bec et les pieds ont une belle couleur rouge. Les griffes et le bec sont noirs.
La femelle du Gabar est d’un tiers plus forte que le mâle: elle a les pieds et la base du bec d’un rouge moins vif; dans la saison des pluies, le mâle perd aussi beaucoup de la vivacité de son rouge. J’ai trouvé en septembre le nid du Gabar: il étoit posé dans l’enfourchure d’un très-gros mimosa, et construit en dehors, de racines, de petit bois flexible, et garni intérieurement de plumes. J’ai trouvé dans ce nid trois petits, aussi grands que le père et la mère: ils s’envolèrent à mon approche; mais après avoir tué les vieux, nous prîmes les trois petits, à qui je trouvai les pieds et la base du bec jaunes. Ils avoient aussi la poitrine et le manteau mêlés de plumes brunes, d’autres entièrement bleuâtres, d’autres encore tout à fait rousses, et plusieurs portoient même ces trois couleurs ensemble. Tout le dessous du corps étoit rayé de fauve sur un fond blanc, sali d’une légère teinte roussâtre. En visitant le nid, j’y trouvai encore un œuf fort sale, mais en le lavant, il devint blanc, il est donc présumable que la ponte est ordinairement de quatre œufs, et qu’ils sont blancs; car je n’ai point apperçu la moindre tache sur celui qui étoit resté infécond, et qui étoit aussi gros que ceux de nos éperviers européens. Dans les trois petits il n’y avoit qu’un mâle.
Je n’ai trouvé le Gabar que dans l’intérieur des terres, sur les bords des rivières Swarte-kop et Sondag; je l’ai pareillement trouvé dans le Karow, le Camdeboo, et enfin presque généralement dans tout le pays que j’ai traversé en revenant des montagnes de Neige au Bocke-Veld; mais je ne l’ai jamais apperçu dans les environs du Cap. Il est cependant plus que probable qu’il doit avoir pénétré jusque là, vu que les oiseaux carnivores, s’isolant davantage que les autres, leurs espèces doivent s’étendre en raison de cet instinct naturel, qui porte chaque couple à se choisir un canton exclusif qui puisse fournir à ses besoins. La propagation chez les oiseaux de proie d’un ordre inférieur, étant bien plus considérable que celle des grandes espèces, il s’ensuit naturellement encore que chacune d’elles doit occuper un terrain proportionné au plus ou moins grand nombre d’individus qui la composent.