Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1
LE ROI DES VAUTOURS, No. 13.
L'oiseau que j’ai fait représenter dans la planche 13 n’est qu’une variété d’âge ou de sexe du vautour connu sous le nom de Roi des vautours, décrit par Buffon, Brisson, Edwards, etc.; qui tous en ont donné une assez bonne représentation. L’individu dont nous parlons est arrivé de Cayenne avec une collection très-considérable d’autres oiseaux du même pays. Il y avoit dans le même envoi un autre Roi des vautours de la même espèce et absolument semblable à celui déja connu et figuré dans les planches enluminées de Buffon, No. 428, sous le faux nom d’urubu. Celui-ci étoit indiqué comme étant le mâle; quant à l’autre, celui dont il est question, il étoit désigné pour être la femelle, et étoit moins fort dans toutes ses dimensions. Je me garderai cependant bien d’assurer, d’après l’indication, que cet oiseau étoit réellement une femelle; mais très-certainement c’est tout au moins une variété d’âge de la même espèce; et dans ce cas il est probable que, dans sa première jeunesse, le plumage du Roi des vautours est entièrement noirâtre, comme le sont les larges taches qu’on apperçoit sur les petites couvertures des aîles, sur les scapulaires et sur tout le manteau en général. Dans cet état, il n’est pas douteux que cet oiseau a été tué au moment où, prêt à prendre la livrée de l’âge fait, il porte encore quelques indices de celui de l’enfance, ainsi qu’on l’observe généralement à tous les oiseaux qui changent de couleur dans leurs différens âges, comme cela arrive à presque tous les oiseaux carnivores; soit aussi quand ils en changent plus régulièrement dans chaque saison, comme on peut le remarquer à toutes les espèces de sucriers, colibris, grimpereaux, veuves, etc.
J’ai examiné très-attentivement cette variété du Roi des vautours, dont j’ai eu occasion de voir deux individus absolument pareils: l’un dans ma collection et l’autre dans le superbe cabinet du citoyen Raye de Breukelerwaert, à Amsterdam. Leurs plumages à tous deux étoient absolument les mêmes pour les couleurs; seulement les taches noires, plus ou moins grandes, étoient différemment distribuées. Cette irrégularité m’a convaincu encore davantage que ces oiseaux étoient dans leur jeune âge; d’ailleurs, ils portoient aussi d’autres caractères qui indiquoient leur jeunesse; ce qui, dans tous les oiseaux en général, est très-facile à reconnoître, soit par un duvet cotonneux très-abondant, et à une espèce de poussière qui poudre les plumes, soit encore à quelques brins chevelus qui, dans les environs de la tête, s’hérissent par dessus les plumes et les débordent, soit enfin au peu de dureté des os.
La méthode qu’avoit adoptée Buffon de rapporter toutes les espèces d’oiseaux dont il parloit, à celles dont les voyageurs ont fait mention, lui a fait croire, sans aucun fondement, que le cosquauhtli ou aura des Mexicains, décrit par Fernandès, Nieremberg et Delaet, étoit de la même espèce que son Roi des vautours. Cependant la description du cosquauhtli ne convient évidemment point à cet oiseau; de sorte qu’on ne conçoit pas comment Buffon a pu s’y méprendre, et nous rapporter encore cette description tout au long, comme s’il avoit voulu nous prouver d’une manière plus convaincante qu’il étoit dans l’erreur. Il est certain «qu’un oiseau de la taille d’une poule d’Egypte, et dont toutes les plumes sont noires, à l’exception du cou et de la poitrine, où elles sont d’un noir rougissant, et dont les aîles noires sont mêlées et cendrées de pourpre et de fauve, qui a les yeux noirs, les prunelles fauves; le front d’un rouge de sang rempli de rides, qu’il fronce et ouvre comme le coq d’Inde, et où il y a quelques poils crepus comme ceux des Nègres, etc. etc.» n’est point le Roi des vautours. Quant au bec, «semblable à celui des perroquets, aux ongles crochus, aux narines ouvertes:» cela appartient non-seulement à tous les oiseaux de proie, mais encore à beaucoup d’autres. Je crois donc inutile d’analyser cette description du cosquauhtli, pour prouver au lecteur qu’elle ne convient absolument point au Roi des vautours, qui est d’abord au moins du double plus grand que la poule d’Egypte; par conséquent, Buffon n’a pu raisonnablement être autorisé à confondre ces deux oiseaux. Ces rapprochemens, faits d’après les mauvaises indications de certains voyageurs, sont, quand on n’a pas vu les espèces dont ils parlent, plutôt propres à reculer nos connoissances qu’à les avancer d’un seul pas.
Cette variété d’âge, dont j’ai donné la figure, ne diffère du Roi des vautours adulte que par les taches d’un brun-noir qu’il porte sur tout le corps. Du reste, il a absolument les mêmes caractères et le plumage de la même couleur. Sa tête et une partie de son cou sont pareillement nues et peintes de riches couleurs.