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Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1

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LE ROUNOIR, No. 16.

Le Rounoir et le rougri sont, en Afrique, les représentans de notre buse; ainsi que le grenouillard et le parasite le sont du busard et du milan. Ces espèces étrangères, réellement distinctes des nôtres, habitent cette partie du monde à leur exclusion et à leur défaut, et les y remplacent dans les fonctions que l’ordre général de la nature a départi à ces sortes d’oiseaux de proie. Les busards et les milans, libres et sauvages, vivant sur des terrains abandonnés aux eaux, et dans des lieux affranchis du domaine de l’homme, n’ont avec nous aucune relation d’utilité. Les buses, au contraire, sont amenées auprès de nos habitations et dans nos cultures, par l’appat des petits animaux qui se multiplient auprès de nous avec les végétaux que nous semons et recueillons pour notre usage; le service que les buses nous rendent, en détruisant les souris, les taupes, les rats et les autres quadrupèdes proscrits par l’agriculture, exige que nous accordions à ces oiseaux sauve-garde et sûreté, seule reconnoissance que la liberté puisse admettre; nous devrions même les défendre contre l’intérêt particulier, et leur accorder la protection des loix. C’est ainsi que de nos jours on protège la cigogne en Espagne et en Hollande, le merle couleur de rose en Barbarie, et le martin dans l’Inde; mais il est important sur-tout d’accorder toute faveur aux animaux utiles, dans les lieux où les hommes commencent à établir des cultures sociales, sur des terres encore à demi-sauvages, et dans des climats où la nature, encore vierge, se refuse à des semences inaccoutumées.

C’est d’après ces principes que le Rounoir trouve toute sûreté auprès des colons du Cap de Bonne-Espérance, par qui il est désigné sous le nom de jakals-vogel (oiseau jacal), par rapport à son cri qui imite celui de ce renard d’Afrique: on lui donne aussi celui de rotte-vanger (preneur de rats). On trouve cette buse autour de presque toutes les habitations; elle y est familière, et, pour ainsi dire, domestique; elle passe le jour dans les terres labourées, où elle se tient perchée sur la motte la plus élevée ou sur quelque buisson, s’il s’en trouve dans le champ; et c’est de là qu’elle guette tous les petits quadrupèdes qui lui servent de pâture. Quand la nuit approche, elle revient se percher auprès de la maison, sur les arbres ou sur les haies qui entourent le parc où on enferme les bestiaux. C’est sur les arbres ou au milieu des buissons les plus épais qu’elle fait son nid, qui est composé de menu bois et de mousse, et qu’elle garnit très-douillettement de laine et de plumes. La ponte n’est que de trois œufs, rarement de quatre, quelquefois même de deux seulement; et, comme on ne fait aucun mal à la nichée, l’espèce de cet oiseau est très-multipliée, malgré sa foible ponte.

Indépendamment des terres de la colonie, le Rounoir habite aussi toute la partie de l’Afrique que j’ai parcourue, et je l’ai vu sur-tout dans le voisinage des hordes de Sauvages.

Cet oiseau, qui se laisse facilement approcher par l’homme, est cependant d’un naturel foible et craintif, et si lâche que la pie-grièche que j’ai nommée le fiscal lui donne la chasse et le met en fuite.

Le Rounoir est de la taille de notre buse, quant à la grosseur; mais elle est plus ramassée; sa queue est aussi moins longue. Ses aîles ployées s’étendent presque jusqu’au bout de la queue, qui est coupée carrément.

Le nom que j’ai donné à cet oiseau peint ses principales couleurs, qui sont le roux et le noir-brun; cette dernière domine sur la tête, le cou et le manteau. La gorge est égayée par un mélange de blanc, qui prend une teinte roussâtre à mesure qu’il s’approche de la poitrine, qui est entièrement d’un roux ferrugineux, flambé de quelques traits noirâtres. Le dessous du corps est varié de noir et d’un blanc sale; les couvertures du dessous de la queue sont noires, mêlées de roux. Les grandes pennes de l’aîle sont noirâtres, avec des bandes d’une couleur plus claire vers leur origine; les barbes intérieures sont blanchâtres; les autres pennes sont noirâtres par le bout, et comme marbrées dans leurs barbes extérieures, et dans toute la partie cachée quand l’aîle est en repos: elles sont de plus rayées transversalement de blanc et de noirâtre. Toute la queue est en dessus d’un roux foncé, avec une tache noire vers le bout de chaque plume; les deux extérieures seules ont des bandes noirâtres: en dessous, elle est d’un gris roussâtre. La base du bec, les pieds et les doigts sont d’un jaune terne; le bec et les serres sont presque noires. L’œil, qui est très-grand, est d’un brun foncé.

Le mâle et la femelle du Rounoir se trouvent presque toujours l’un avec l’autre et ne se quittent que très-rarement. Le soir, avant de venir se percher pour passer la nuit, on les voit tournoyer ensemble à peu d’élevation dans l’air: c’est dans ce moment sur-tout qu’ils font entendre ces cris aigus et rauques qui leur ont fait donner, par les habitans, le nom d’oiseau jacal.

Dans cette espèce, le mâle est moins fort dans toutes ses dimensions que la femelle; son noir est moins lavé, et le roux de sa poitrine plus foncé et plus mélangé de flammes noires.


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