L'art de chevalerie selon Vegece
Cy devise se ung gentil homme prisonnier de guerre doit mieulx aimer a mourir que briser son serment. xxviiie. chapitre.
Je supose maistre que ung chevalier ou homme d’armes soit en la prison d’un autre ou de ung seigneur ou de une ville mais sy grant rigueur luy soit faicte que on luy afferme que ce dedens certain temps n’a fait sa finance Il sera occis/ pour quoy il quiert pour dieu et en pitié que l’en le laisse aller en son pays faire finance et que sans faulte retournera a tout dedens le jour promis. A bref dire on le laisse aller sur son serment fait sur les sainctes evangiles. Par lequel serment il jeure que pour encourir la mort ne fauldra qu’il ne retourne dedens le jour promis. Or advient que impossible luy est de finer sa raençon si est assavoir s’il doibt retourner pour soy retourner mettre a la mort/ laquelle par ses adversaires luy est promise/ car mesmement il est escript es hystoires de romme/ que ainsy le firent jadiz les nobles conquereurs rommains/ qui ains s’exposoient a la mort que enfraindre le jurement de prison. Et ce iceulx qui paiens et mescreans estoient juroient leurs faulx dieux/ ilz le tenoient toutesvoyes mieulx le doivent tenir les christiens quant ilz jurent sur la saincte foy catholicque.
Bel amy tu dis bien. et encore plus de raisons y pourras a ton propos alleguer/ mais a la verité du fait en y a trop/ qui pourroient excuser l’omme en tel cas/ quoy que aucuns docteurs veullent maintenir que mieulx deveroit l’omme vouloir mourir que parjurer le nom de dieu Laquelle chose est vraye en aucun cas/ mais quant a cestuy qui est chose violente et fait ainsy que par force pour sauver sa vie/ n’est pas determiné qu’il vaulsist mieulx a mourir/ & qu’il n’y soit tenu te diray les raisons. Je te dy que selon droit escript/ serment contre bien et utilité et mesmement contre bonnes meurs ne fait pas a tenir/ et quoy que mal soit de soy parjurer est encore trop pis fait de tel serment tenir si doibt estre esleu de deux maulx celluy qui est le moindre criminel. sicomme ung homme aura juré sur les sainctes evangilles ou sur le corps jesucrist sacré/ qu’il occira ung homme ou fera quelque grant malfait/ si n’est pas doubte que pis seroit d’occir ung homme ou bouter feu en une maison/ ou aultre grant mal que de soy parjurer/ quoy que pesché mortel feist des qu’il jura/ car choses desraisonnables a faire ne se doibvent pas jurer.
Or est il ainsy et nul ne doibt le contraire pencer que nul homme n’est maistre de son corps mettre en prison pour occir ne ses membres trencher ne qu’il seroit de ung autre Et il appert qu’il n’en soit en luy Car s’il se occioit luy mesmes/ justice pugniroit le corps honteusement au gibet/ aussy s’il trenchoit ses membres ainsy seroit il pugni par justice que se a ung autre l’avoit fait.
Pource derechief te dis qu’il n’est pas en luy ne en son povoir de soy obliger par celle voye ne point le lie le serment ains est nul. Et plus te dy nous disons de droit escrit/ que se ung homme peut ung autre garder & preserver de mort/ et il ne l’en garde a son povoir qu’il l’occist doncques ne mesprent pas s’il garde a soy mesmes le droit que a nature est tenu a garder/ c’est assavoir s’il eschieve la mort/ & cecy est quant a excuser l’extremité de la chose et supplier ce qu’il n’a peu admender de la raençon paier/ mais pourtant ne te dis je pas qu’il ne soit tenu de faire finance tout le plus tost qu’il pourra et y mettre toute peine de soy en acquiter.
Cy fine la tierce partie de ce livre. Et commence la quarte et derniere partie laquelle parle de droit d’armes en fait de saufconduit/ de treve/ de marque et de champ de bataille.