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L'art de chevalerie selon Vegece

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Cy Devise selon vegece et les anciens l’ordre de arrenger bataille. xxiiii. chapitre.

Quoy qu’il soit cy devant dit et apres des manieres de combatre et arrenger ost Dient les anciens qui de ceste matiere/ ont parlé que la meilleur maniere de ordonner bataille est en rondeur et que on mette plusieurs batailles ou front devant et du costé ou les ennemys doibvent venir soient mys les meilleurs et les plus esprouvez/ et se serrez se tiennent ensemble a peine pourront estre desconfitz posé que les autres soient plus/ & s’il advient que les adversaires soient moins de gens/ la bataille doibt estre ordonnee en maniere d’un fer de cheval. Et par ceste maniere dist il les enclorras se tu y donnes bonne ordre. Et se les autres sont foison ordonne ta bataille sicomme ague devant pour partir/ mais bien enseigne vegece le capitaine que a l’eure que la bataille assemble ne se advise de changer autre ordre & mener ailleurs aucun nombre de gens qu’il face partir de l’ordonnance : car ce seroit pour tout honnir et mettre trouble en ses batailles/ ne riens dist il ne prouffite plus que garder l’ordre qui doibt estre tenue et l’espace qui entre les rens doibt estre. Car on doibt regarder par grant cure que trop ne s’empressent ne amoncellent/ ne aussi qu’ilz ne se laschent/ mais soient convenablement serrez/ car autrement perdroient la fiance de combatre et empescheroient l’un l’autre et trop cler entreluisant Et donneroient entree aux ennemis/ aussi en peril seroient d’estre rompus et esparpillez dont la paour de eulx mesmes les rendroit tous esperduz. Icelluy vegece dit que par belle ordre doivent yssir a champ auquel le capitaine ja par plusieurs foys les ait mis en ordonnance pour monstrer comment quant a la bataille viendra se deveront maintenir. La premiere bataille estandue ainsy qu’elle doibt/ et puis la seconde bataille et les autres. si que l’ordre soit gardee entre eulx si que dit est.

Aucuns capitaine dist il ont eu maniere de faire tourner leurs batailles en esquerre/ et puis en triangle que on appelloit lors bersueil Et ceste maniere d’ordonnance a/ a plusieurs proffité en bataille/ et quant force d’ennemys leur courroit sus se mettoient en rondeur les meilleurs au premier reng tout devant si gardoient les leurs d’eux tourner en fuite et que trop de dommaige ne leur survenist. Et avoient les anciens maniere que jamais tout leur ost ne mettoient en une assemblee/ ains faisoient plusieurs batailles affin que les nouveaux venissent secourir aux lassez. Et par celle voye a peine pevent estre desconfitz du tout/ car ce que l’une bataille perdoit l’autre recouvroit. Neantmoins sont faitz de batailles adventureux par quoy nul ne sy doibt fier/ car aucunesfois advient tout le contraire de ce que paravant on pensoit. Exemple qui eust pensé/ que des tresgrans ostz assemblez des cartaginois aux rommains deust estre l’ocasion si egale en la bataille que une fois en advient/ car il n’en demoura homme nul d’une part ne d’autre.

Il dist aussi que le jour que la bataille doibt estre est convenable de pou menger affin d’avoir plus longue alaine et estre plus mouvables et plus legiers/ mais bon vin doibt on boire qui peut pource que aux membres donne grant vigueur et esjoist l’esperit de celluy qui en prent convenablement et sans trop.

Il advient dist il que aucques tous les couraiges des hommes se troublent quant aller doibvent en la bataille/ mais a ceulx qui sont ayrez leur croist force et hardement et oublient tout peril/ et pource le sage capitaine pour donner cause a ses gens d’estre ayrez et plus fiers les doibt avoir/ ains la bataille fait plusieurs escharmoucher aux ennemis affin que par recevoir coups & blecheures d’eulx soient plus afelonnis contre eulx. Et dit que les moins sages et les moins hardiz seulent lever le cry ains que la bataille commence/ laquelle chose ne se doibt faire/ car les corps doibvent venir avec le cry.

Les anciens avoient regard en l’assemblee de leurs batailles que les hommes d’armes ne fussent pas espouentez pour le cry que font aucunesfois les gens de commune quant l’ost assemble/ ou que font ceulx qui ont paour/ & pource les advisoient par certain son de trompettes.

Aussy ceulx doubtent la bataille qui n’ont aprins l’exercite/ et pource dit le livre telz gens sont a occupper en autres chosez que en armes. Car ceulx qui ne veirent oncques occir homme ne espandre sang en ont frayeur/ et pource quant ilz y sont pensent plus de fuyr que de combatre/ sy pevent plus empescher que valoir a tout le moins s’ilz ne sont mys soubz bon capitaine. Aucuns dient qu’ilz doibvent estre mis tous ensemble et autres dient que non/ & qui doibvent estre meslez avec les bons.

Derechief pour dire en bref et recapituler ce qui est convenable a garder en ordonnance de bataille enseigne sept choses ou le capitaine doit regarder. La premiere qu’il ait prins place a son advantage s’il peut si que dit est/ ou il ait mis les siens en bonne ordonnance. La seconde qu’ilz soient d’un costé targez de montaigne affin qu’on ne luy puisse nuyre & par devant eulx une belle riviere si que on ne puisse a eulx venir. La iii. qu’ilz n’aient pouldre ne soleil qui a l’oeil puissent nuyre. La iiii. qui mout leur peut valloir est s’ilz sont advisez de l’estat de leurs ennemis et bien informez quant ilz font leur ordonnance/ et par ou ilz viennent. Car selon ce se pevent ordonner et les attendre a leur advantage. La v. qu’ilz ne soient soulez ne affoiblis par fain. La vi. qu’ilz soient tous d’un couraige a tenir place & mieulx aimer mourir que fuyr/ sy ne seront pas telz gens legiers a desconfire. La vii. que leurs ennemis ne sachent pas leur intention ne se qu’ilz tendent a faire et de quelz tours sont advisez. Neantmoins si que dessus est dit merveilleuses sont les adventures des batailles. Il advient aucunesfois tellement qu’il semble que dieu vueille aider a l’une des parties et point a l’autre. Si qu’il advint lors que les rommains se combatoient aux deux roys d’orient de grant puissance jugurta/ et boctius. Adonc comme l’ardeur du soleil fust sy grande ou champ que a pou ilz n’y attaignoient/ souvent si se leva ung vent si grant que le traict des arcs dont iceulx roys avoient grant planté n’eut sicomme point de puissance. Et apres vint une grosse pluye qui tout rafreschit les rommains/ & fut aux autres choses merveilleusement contraires/ car les cordes de leurs arcs se laschoient. Et les oliphans dont foison y avoit/ qui sont grandes bestes qui ne pevent souffrir eaue ne se pondrent mouvoir et les chaingles qui soustenoient les chasteaulx chargés d’eaue. Si ne leur fut pas encombrier/ et par celle voye desja resvigourez pour la frescheur si asprement les envaÿrent que ja soit ce qu’ilz feussent plus petite quantité de gens si eurent ilz la victoire.

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