L'art de chevalerie selon Vegece
Cy devise les cas par lesquelz on peut donner gaige de bataille. ix. c.
Encores y a autres loix qui s’appellent loix lombardes ou moult a de diverses choses Et celles par especial devisent les maistres qui sur ce ont escript plusieurs cas esquelz on peut bien donner & bailler gaige de bataille et combatre en champ de bataille. Et d’icelles loix sont auques venuz et sours tous les jugemens de donner gage de bataille.
Icy te diray aucuns des cas/ c’est assavoir se ung mary accuse sa femme qu’elle ait traicté de le faire mourir par poisons ou par autres choses/ dont ait aucune couleur d’en avoir suspicion/ mais ne peult estre le vray/ ou que le mary soit mort & que ses parens le mettent sus a la femme/ s’elle treuve aucun sien parent ou aultre qui pour elle se vueille combatre soustenant que du fait soit innocente/ la loy lombarde veult qu’il en soit ouy sur ce.
Item se ung homme estoit accusé qu’il en eust occis ung autre sans ce que on le peust contre luy prouver/ s’il jecte son gaige contre celluy qui l’a accusé la loy veut qu’il soit receu.
Item semblablement ung homme qui ait ung aultre batu sur ung asseurement.
Item se ung homme a occis ung autre seul a seul s’il veult prouver par son corps deffendant que l’autre l’eust assailly premier il doibt estre ouy.
Item se ung homme apres la mort de ung sien amy duquel deust avoir la succession/ estoit accusé de l’avoir occis pour avoir son heritage il s’en peut aussy deffendre par son corps.
Item se ung homme estoit accusé d’avoir couché avecques une femme mariee/ lequel cas selon celle loy se le mary ou ses parens s’en plainnent a justice est capital/ ladicte loy veult que l’omme s’en puisse deffendre par gaige de bataille.
Item semblablement est de une fille a marier estant en la gouvernance de son pere et de sa mere ou de ses parens s’ilz se plaignent de quelque homme qui ait esté en sa compaignie/ combien que ce fust de son bon gré/ ceste loy veult qu’il en jure s’il ne s’en deffend par bataille en cas que la chose fust si secrete qu’elle ne peust estre contre luy prouvé/ car se manifeste estoit/ se lesditz parens veullent il n’y a remede qu’il ne fault qu’il en muire ou qu’il s’en combate.
Et pource que ceste loy sembleroit bien estrange en france et en aultres pays que ung homme deust mourir pour tel cas veu que la femme ou la fille fust contende se fonde celle loy sur telles raisons/ comme il soit vray dist elle que ung homme reçoive mort par sentence de loy et de justice pour avoir aucunement commis ung bien petit larcin d’or d’argent ou d’autre chose/ duquel cas ne le pourra excuser quelconque necessité qui a ce le eust meu/ que justice ne luy garde sa rigueur se grace par pitié d’aucun cas piteux ne luy est faicte. Pourquoy doncques sera espargné celluy qui tollu et despouillié de son honneur aura non pas seulement une femme : mais son mary & tout le lignaige. Et pource comme icelles gens qui ces loix establirent prisassent plus honneur que or ne argent conclurent que encore trop plus devoit avoir mort desservye celluy qui en descombroit ung autre ou ung linage metoit en reproche que se tollu leur eust quelconque autre avoir/ & pource dirent les aucuns que encores estoit la loy moult piteuse quant plus cruellement on ne pugnissoit telz gens/ que aultres dignes de mort/ c’est assavoir qu’on ne les faisoit mour de plus cruelle mort que en autre cas.
Item ung autre cas qui sembleroit contre raison dit icelle loy/ que se ung homme avoit tenu et possessé ung heritaige terre ou maison Et mesmement meubles l’espace de xxx. ans & plus & ung autre l’accusoit que faulcement l’auroit possidé/ se cestuy l’offre a prouver seulement par son corps en gaige de bataille qu’il y soit receu/ mais sans faulte nonobstant ceste loy te dis bien que fol est qui ainsy gage/ car celluy qui ja en est en possession pourroit dire et respondre a l’autre. Beaulz amys je n’ay que faire de ton gage comba toy tout seul se bon te semble/ car ja pour ceste cause ne me combatroy/ si n’est loy qui le puist contraindre/ car perscription est approuvee de tout droit.
Item dit que s’il advenoit que deux hommes eussent debat et proces l’un contre l’autre au jugement & que tous deux produisent tesmoings a leur intention que se l’un veult contredire les tesmoings de [l’autre] en prouvant par son corps son intention contre qu’il y soit receu.
Item se ung homme fait demande a ung autre de certaine somme d’argent ou de quelque autre chose lequel die qu’il le bailla ou presta a son pere ou a sa mere : & l’autre luy nye qu’il soit receu contre l’autre a gage de bataille se ce offre a prouver pour son intention.
Item se ung homme a eu quelque dommaige comme par feu prins en quelque lieu de son hostel s’il veult prouver par gaige de bataille a quelque aultre homme qu’il luy ait bouté il y doit estre ouy.
Item se ung mary se plaint de sa femme qu’elle ne soit preudefemme posons qu’il le face cauteleusement pour s’en delivrer ou banir de son douaire/ elle s’en peut deffendre par trouver champion contre luy/ en gaige de bataille/ & s’il le refuse il n’en sera pas creu.
Item se ung homme hante en l’ostel de ung homme marié/ se le mary veut soustenir qu’il y hante pour l’amour d’aucun mal avec sa femme se ledit compaignon s’en veult deffendre contre luy/ en gaige de quoy je me gabe de ceste follie pensant se le compaignon qui est accusé estoit grant et fort seroit bien employé s’il s’en sentoit innocent qu’il batist tresbien au champ le meschant mary jaloux.
Item se ung homme accuse ung aultre en jugement d’estre parjure celluy qui est accusé le peut contredire si que dit est.
Aultres plusieurs choses contient icelle loy en cas de gaige de bataille/ lesquelles je laisse pour cause de briefté comme non necessaire chose de plus en dire Neantmoins tant qu’il est a entendre que icelles batailles se font aucunesfois par les principalles personnes/ & aucunesfoys se font par autres personnes quant cas raisonnable d’aucun empeschement y chiet/ sicomme se ung homme trop jeune estoit accusé ou ung homme qui eust quelque maladie ou fust impotent/ et aucunesfois une femme et toutes telles personnes/ lesquelles choses sont assés nommees par expres esdictes loix lombardes/ & mesmement se ung serf disoit que son seigneur l’eust affranchy de servitude & le vouloit prouver par son corps/ le sire n’est pas tenu de la bataille/ mais il doibt livrer ung champion. Et plus dit car de deux clers de pareil degré donne licence que ensemble se combatent. De laquelle chose sauve sa grace je dy qu’elle a tort de soy entremettre en tel cas de personne ecclesiastique/ Car le canon qui plus fait a obeyr leur deffent expressement toute bataille & violente blesceure.
Je te demande se ung homme est impotent si que dit est pourroit mettre luy tel champion qu’il luy plairoit.
Je te respons que les champions commis par aultruy sont en ce fait de bataille en figure de procureurs et advocas/ de pledoians/ lequel office chascun peut faire s’il veult sinon que droit le contredie expressement tout ainsy est de champions car quiconques veult le peut estre sinon que droit le contredie pour aucune occasion/ car ung baron ou aultre qui par avant auroit commis aucun grant criesme n’y seroit pas receu ne nul homme quil fust infame/ & la raison y est bonne/ car se ung tel homme entroit en champ pour aultruy/ & il y fust vaincu on cuideroit que ce seroit par ses propres pechez/ & non pas pour la cause de l’imposition de celluy qui est accusé.