L'art de chevalerie selon Vegece
Cy devise les proprietés que doibvent avoir gens d’armes/ et en quoy ilz doivent estre eduitz et enseignez. xi. c.
Devisé avons assez les manieres et introductions en fais d’armes que les anciens donnoient a leurs enfans lesquelles choses pour exemple sont bonnes a retenir. Si nous affiert a retourner ad ce qui est dit devant/ c’est assavoir en quellez choses s’emploiera le bon et saige capitaine de la chevalerie ou ses lieutenans Premierement il tira a luy tous les plus esleuz hommes d’armes & chiers les tiendra/ Et puis que a parler vient de bon homme en armes Racompte vegece des proprietés qu’il lui convient/ Et dit que avec hardiesse sans laquelle ne pourroit riens valoir Doibt estre duit et tout maistre de soy aider en son harnois et d’y estre aise/ affin que vistement puist assaillir son ennemy/ saillir fossez legierement gravir sur quelque hault empeschement s’il lui vient entre piés soy ficher es loges des adversaires par dessus haies et triefz s’il chiet apoint/ gauchir aux coups par sousplesse de corps et envaÿr en saillant sur son adversaire/ se la maniere de la bataille le requiert/ Et dit que telles manieres d’appertises esbahissent le couraige de l’adversaire et l’espouentent/ & a avantaige souvent advient/ comme il appert sur plus fort de luy et plus tost le blesse qu’il n’est apareillé de soy deffendre/ et de tours usoit ce dist il le grant pompee quant il se combatoit. Et se on me demande en quelle part seront prins les meilleurs hommes d’armes Je te respons que quoy qu’il soit dit que es chauldes terres approchans du soleil/ les hommes quoy qu’ilz soient sages caulz et malicieux ilz n’y sont pas hardis pource qu’ilz n’ont pas foison de sang/ pour cause de la challeur qui y habonde. Et aussi par le contredient que ceulx des froides sont hardis et non sages par quoy on ne doibt prendre ne des ungs ne des aultres/ mais ceulx des terres moyennes sont a prendre.
Quant a moy je tiens que nulle autre rigle ne doibt estre gardee. Et que l’en doit eslire ceulx qui ont plus veu & qui plus se delictent a l’exercice d’armes a laquelle labeur soit leur gloire toute affichee ne autre honneur ne felicité ne quierent en autre maniere que par vertu de chevalereux fais leur peut venir. Et iceulx de quelque nation qu’ilz soient sont a recevoir et a donner sauldees. Vray est que avec les acteurs se doit tout bon sens accorder que se le capitaine a besoing de gens de commun doibt singulierement eslire ceulx de aucuns mestiers sicomme bouchiers qui ont acoustumé d’espandre sang a ferir de cugnie charpentiers fevres et tous autres qui excercent leurs corps en travaux & euvres des bras/ Aussi gens de village a qui les dures gestes et peines de labeur n’est estrange & nourriz de rude pasture/ iceulx sont bons a nourrir peine & traveil sans laquelle chose fait de guerre n’est pas longuement demené.