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L'art de chevalerie selon Vegece

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Cy demande se ung homme estoit pugni en champ de bataille d’aucun meffait se justice a plus que veoir sur luy d’icelle cause. xiie. cha.

Et derechief je te demande se ung homme qui appelle ung aultre en champ de bataille pour luy prouver par son corps qu’il est faulz parjure/ & la pugnition selon le cas advient que de ce mesmes fait il est appellé & poursuivy de justice/ doibt cest homme estre pugny plus de une foys de ung mesmes cas/ car il ne sembleroit pas que juste chose fust ne dieu ne le veult ne saincte escripture ne si accorde que pour ung peché on doive estre condemné deux foys.

Bel amy ad ce te respondray quoy que les excusations que tu dis fussent assez bonnes/ & mesmement assez d’autres pour l’omme accusé/ l’autre partie pourroit respondre nous sommes en court de droit escript/ par lequel doibt estre congneu et jugié des cas qui requierent pugnition/ mais comme gaige de bataille ne soit approuvé de nul droit escript/ par lequel supposé que par celle voye a esté corrigé n’est pas pourtant pugnition/ car justice n’y a pas veu et n’y eut autre chose au regard de droit que ainsy que se ung pere avoit batu son enfant pour cause d’aucun delict/ qu’il auroit fait/ ne suffiroit pourtant a justice ne a pugnir ne le lairoit. Si t’en diray selon le voir de ces deux altercations Sachez de vray que se la journee eust esté sy longuement differee de la bataille d’entre l’accusant & l’accusé/ que le cas fust venu en ces entrefaictes a congnoissance de justice. Je te dy bien que non obstant ce l’entreprinse de ladicte bataille juste l’en peut pugnir comme se ce fust chose prouvee/ mais se tu me demandoies se apres la pugnition seroit tenu de tenir la tournee du champ. Je te responderoye que non Car quel droit pourroit il avoir de soy deffendre de ce dont il est convaincu/ mais s’il estoit ainsy que le prince ou celluy qui estoit garde du champ l’eust pugny de ce meffait ou qu’il luy eust remys & pardonné ce meffait fust par jurement ou autre/ certes tant est grande l’auctorité des princes qui ceste coustume ont approuvee de prouver par bataille par pugnir les a tant par celle voye que pugni soit une foys sans plus ne les princes & seigneurs ne souffriroient pas aucunement requerir leurs sentences.

Maistre s’il ne t’ennuye que tant t’enquiers sur ceste matiere me dis encore ung mot a ce propos.

Ung chevalier accuse ung autre en l’appellant en champ de bataille et puis s’en repent. se peut il depporter de l’appellation a son voulloir : & que plus n’en soit de ce qu’il a dit/ car sembleroit que voirement s’en peust deporter de l’apporter : veu que se ung homme accuse ung autre ou en mesditz par couroux ou chaleur il s’en peut bien repentir et depporter s’il veult si qu’il me semble.

Amy a ce je te respons que se ung gentil homme appelle d’aucune adventure de gaige ung autre gentil homme pour quoy que ce soit en l’absence de son seigneur ou du connestable ou d’autre juge competent & apres s’en repent parce que par adventure estoit tresmal informé ou en tresgrant ire ou merancolie ou apres boire Ceste chose se doibt assez legierement remettre en maniere que a l’autre doit suffire sans le poursuivir de l’appellation Car nul ne doibt estre de ce trop malgratieux ne trop aigre comme ce soit chose merveilleusement dangereuse quelque bon droit que on ait veu aussy que l’autre soit assez tenté de soy repentir & refroider de la bataille/ de laquelle fol mouvement a bien monstré qu’il n’estoit pas saige/ car trop est grant honte de soy alleguer en parolle tellement que apres s’en conviengne desdire. Neantmoins il vault trop mieulx soy repentir de la folie ainçoys que on l’execute que d’entrer au champ/ a mauvaise querelle/ Ne se n’est pas vice de soy repentir du mal mais c’est pechié & folie de l’entreprendre et parfaire/ mais en cas que les parolles seroient tant avant allees que devant le prince ou connestable ou aultre propre a le recepvoir auroit jecté son gaige repentir ne s’en pourroit sans la voulenté du prince et l’assentement de partie laquelle pourroit par raison demander admende/ Car au propos que cy devant t’ay dit que champ de bataille retrait a plaidoierie sy est ce gage en figure d’une plainte que on donneroit en jugement. Apres laquelle icelluy qui la donne luy faut poursuivir la plaidoierie se les parties ne se accordent/ mais bien est vray que puys que ledit appellant s’en repent le prince doibt estre large de pardonner aux repentans/ car ainsy le veult dieu.

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