L'art de chevalerie selon Vegece
Cy
devise s’il advient que
l’un des champions perde en
soy combatant aucune de ses
armes soit espee ou autre baston
se par droit on luy deveroit
rendre et lequel doibt envaÿr
l’autre.
Item se le roy
pardonnoit au vaincu se l’autre
luy pourroit demander ses
despens.
Et s’il est ainsy que
ung homme soit trouvé a tort
accusé & appellé de combatre
que on doit faire de cellui qui
l’accuse.
xie. chapitre
Je demande maistre s’il escheoit entre deux combateurs en champ cloz que l’un rompist l’espee de l’autre ou la jecte hors de la closture/ car je tiens bien qu’ilz facent du pis qu’ilz pevent suppose que celluy n’ait hache dague maillet ne autre baston pour soy deffendre se par raison on luy donneroit nouvel baston de deffence Car puis qu’il est en la maniere que tu l’as dit/ c’est assavoir que les armes de deffence sont en figure de tesmoings dont on se aide en plaidoierie/ sembleroit que on leur deust rendre derechief ou livrer harnoys si qu’ilz le requierent/ car se pour prouver mon intention avoie produit aucuns tesmoings posons que ceulx la me faillissent par mort ou autrement/ si en puis je bien produire d’aultres assez s’ilz ne sont pour mauvais accusez. Pourquoy doncques se icelluy champion n’a peu par son baston ou autre harnoys son intention prouver n’en peut il ravoir ung autre.
Bel amy a dire voir selon raison de tel droit qu’il y compte/ y a regard au juge de telz chose juger/ car grant differences y a se l’espee cheoit legierement d’aventure hors de la main/ ou se l’autre la lui tolloit brisoit ou jectoit hors ou se par sa follie la perdoit/ mais se son espee rompoit d’aventure par les coups qu’il mesmes en donneroit et non pas par l’effort de son adversaire et plus n’eust harnois pour soy deffendre/ & que par celle maniere fust/ sans faulte/ aucuns maistres dient que on luy feroit tort/ qui autre ne luy bailleroit/ mais trop pou adviendroit que homme entrast en champ sans estre garny de plus de ung baston ou que tous les perdist/ si se peut ayder de l’autre quant l’un est sailly.
Or sire et s’il advient que le premier jour le juge ne puisse congnoistre lequel est vaincu/ sont ilz tenuz de retourner l’endemain Je te respons certainement que ouy s’il est en leur puissance/ & que a oultrage aient emprins a combatre/ au cas que autre condition n’y auroit esté mise/ si n’en pourroit estre absoubz ne quitte jusques a ce que l’un soit vaincu/ quoy qu’il demeure/ reservé que le prince commandast le contraire ou que eulx mesmes s’accordassent par le commandement du seigneur/ car aultrement ne le pourroient ilz faire puys que en champ sont entrés mais le prince en doibt estre piteux et avoir mercy de ses deux hommes qui en peril sont de perdre ame corps et honneur.
Dy moy encore maistre lequel des deux doit premierement ferir quant ilz sont en champ/ car je n’ay pas oublyé ce que cy dessus as dit que ceste bataille tient en partie/ nature de plaidoierie par quoy il semble que l’appellant doibt premier tenir son baston/ & ferir/ car en plaidoierie celluy qui est acteur donne premier sa demande & apres respond le deffendeur.
Amy combien que tes raisons soient consonantes. neantmoins en ce cas y convient faire par autre voye que plait ne se gouverne/ car la est exploicté par parolles/ & icy par voye de fait/ & pource/ la ou homme est en peril de mort ne doibt pas attendre le premier coup/ car tel pourroit il estre sy grant & si pesant que tart viendroit a soy deffendre/ comment n’a pas doncques assez encommencé l’appellant quant son gaige a donné et appellé l’autre de combatre/ et se en jugement l’acteur donne premier sa demande ce n’est que par parolles/ dont il est grant marche ou par ung pou d’escrit. Sy n’est ce pas si perilleux comme seroit ung coup de hache ou de lance Et puis qu’ilz sont enclos & on leur escrive faictes vos devoirs/ ne scet pas bien chascun ce qu’il a a faire/ & pource te dy que selon toute raison en tel cas/ soit par raison barat ou aultre subtil engin cautelle force appertise ou autrement puis que la sont/ celluy qui est appellé peut ferir premier s’il a loisir et en tous cas peut prendre l’avantaige s’il peut ou scet/ mais vray est qu’il doibt attendre premier que l’autre se parte de sa place ung pas ou deux ou face semblant de venir vers lui.
Item derechief te fais aultre demande. Je prens que le roy qui voit deux champions ainsy combatre ait pitié de celluy qui voit sur le point de desconfiture/ fait arrester par le cry de son connestable. Neantmoins le mieulx combatant requiert au roy qu’il luy face justice & juge le droit pour lui Le roy respond je te juge l’onneur de la bataille/ mais je pardonne a l’autre/ car c’est mon plaisir/ cestui requiert ses despens/ les doibt il avoir/ car il sembleroit que non/ pource que le roy ne luy a pas condemné et qu’il n’a pas aussy confessé le fait comme vaincu.
Je te respons que s’il estot convaincu du tout & le roy luy pardonnast le delict/ laquelle chose est en sa puissance/ sil ne peut il pourtant faire tort a partie/ laquelle a bon droit les requiert mais s’il est dit. Ho/ qui est a dire cessez ains qu’il en soit du tout attaint et vaincu/ il n’y est pas tenu/ car quoy que le roy me fait crier/ quant le pis a de la bataille sil n’a il pas encore confessé la chose en quoy gist la droicte victoire au vainqueur/ c’est assavoir quant a l’autre fera confesser le droit qu’il a/ & aussy y pourroit encore avoir esperance que aucun coup pourroit estre lancé qui occiroit celluy qui le meilleur cuide avoir/ sicomme on a veu aucunesfoys/ que celluy qui dessoubz attaindoit l’autre en lançant de dague ou d’espee qu’il l’occioit/ car de fait de bataille quoy qu’il en semble ne peut estre bonnement jugé jusques en la fin.
Et maistre s’il advenoit que il fust trouvé que aucun en tel cas eust accusé a tort ung autre ou de murdre ou de crisme que deveroit il estre fait de l’accusant.
Sans faulte nos maistres determinent que on en deveroit faire pareille pugnition comme le cas en donnoit que on deust faire de l’autre s’il en eust esté attaint.