L'art de chevalerie selon Vegece
Cy devise de droit de pais de sauldees et de gaiges aux gens d’armes. viii. c.
Affin que les nobles hommes qui ce present livre pourront oyr tant pour le temps present comme celluy advenir/ puissent savoir de quelles choses faire en armes/ Le droit donne licence et desquelles non. Et pource chier amy que cy devant m’as ramentu gaiges et sauldees en fait de guerre/ te diray partie en quoy homme d’armes s’oblege en prendant gaiges & sauldees en fait de guerre/ et aussi en quelle maniere le seigneur est tenu de paier gaiges et en quelle non Car telles choses sont contenues es droitz escrips.
Premierement est assavoir que tous seigneurs villes ou communes seignouries qui prendent gens a sauldees sont tenus de les paier pour le pais qu’ilz sont prins soient mis en euvre ou non. Et mesmement supposé qu’ilz fussent a sejour et sans riens faire voire en cas que la faulte ne tenist en eulz & que tousjours fussent prestz Et se faulte de paiement y a selon la promesse/ je dy que selon droit & raison le pevent demander par belle justice.
Maistre puys que en ceste matiere sommez entrez et tu dis que le seigneur est entré en debte de les paier et y est tenu des gens d’armes contenter de leurs sauldees supposé qu’ilz fussent a sejour/ te vueil a se propos former aucunes demandes en telle maniere.
Premierement je suppose que ung capitaine atout une route de gens d’armes soit retenu es gaiges du roy. Et par son commandement s’en voit en gaigne contre les anglois. Advient que en chemin se logent en certain lieu auquel les gens dudit lieu aient malicieusement empoisonné le pain et le vin par quoy advient que aucuns d’iceulz meurent Autres demeurent malades par l’espace que servir doibvent ou plus/ par quoy n’est en leur puissance de servir le roy ainsy que promis l’avoient/ si te demande se les gaiges d’icelluy temps doibvent avoir perdus. A ceste question respons que non certainement/ veu encore que la maladie leur soit venue a cause dudit service/ car maladie en droit excuse l’omme/ ne a celle cause ne doibt perdre nulles distributions puys que venue est apres la retenue.
Autre question doncques faire te vueil. ung sauldoyer est retenu par une annee a gaiges. S’il advient en celluy temps que il a a faire en son hostel par quoy vient au capitaine et prent licence pour aller veoir sa femme et son mesnage pour l’espace de ung moys. Je te demande se par droit doibt avoir les gaiges de icelluy moys/ car il sembleroit que non/ veu que en celluy temps ne serviroit le seigneur/ ains est allé a ses besoingnes/ pour quoy doncques debveroit il avoir loyer de ce qu’il n’a pas fait.
Je te respons ad ce sache que telle est la maniere d’armes/ que sy grant puissance/ a le congé et licence du capitaine et tant est previlegié/ que puys que voulentiers a consenty le congé/ ledit homme d’armes doit estre reputé pour resident/ car tousjours est demouré serviteur du seigneur en sa guerre/ voire puys que retenu estoit pour l’annee. Mais bien est vray que se obligé estoit par division de temps/ c’est assavoir que sans plus fust retenu a certaine somme par chascun moys/ tant tenu tant payé la diroy je autrement.
Autre question te fais ung chevalier pour une annee est prins a gaiges pour servir le roy en ses guerres. Advient apres que troys moys a servy s’en veult partir et demande les gaiges du temps que servy a/ le capitaine contredit disant qu’il auroit prins pour une annee/ & que s’il ne l’eust promis il en eust bien eu ung autre et qui ne parfait son service pert.
Ad ce je te respons que bon droit a le capitaine/ car se l’omme d’armes fault premierement de sa promesse il n’y a aussy raison que convenance/ de gaiges luy soit tenue. Mesmement plus fort y a/ car je te dis et te certifie que se par sa deffaulte il avoit perdu ses chevaulz ou son habillement de guerre comme harnois et autre ne peust recouvrer/ pour laquelle chose fut non convenable a servir. Il doit perdre tout le temps qu’il a servy. car service ne fait a avoir gaiges/ jusques a la fin/ ou cas toutesfoys que autres convenances n’y seroient faictes. car marché fait & convenance passe toute loy/ & peus bien veoir que la mauvaise chose entremeslee avec la bonne retourne la bonne en mauvaise.
Maistre or me respons a ceste question. ung vaillant homme d’armes est prins pour servir toute une annee. Advient tantost que nouvelles luy viennent que grant affaire a en son hostel. par quoy aller s’en veult/ & au congé prendre dit au capitaine qu’il mettra ung autre en son lieu pour faire le service qu’il debvoit. Ad ce contredit le capitaine disant qu’il l’avoit prins pour sa vaillance preudommie & sagesse/ & que a peine trouveroit il homme qui souffisamment tenist son lieu. Le sauldoyer replicque disant que certains affaires luy sont survenus/ par quoy il perdroit sa terre et son heritage se en personne n’y estoit/ et que selon raison est plus tenu de son sens aider a luy mesmes que a nul autre Si ne le peut contraindre aucunement de demourer/ Le capitaine respont qu’il est obligé par serment sur sainctes evangilles/ Sy n’est pas l’omme en sa franche liberté qui a autruy se lye. Or determinés maistre ceste question Car veu les raisons dudit homme d’armes/ & que en son lieu veut mettre homme souffisant sembleroit que quicte s’en peust aller.
Je te respons que a bien ceste question determiner a grant regard Car il n’est pas doubte que de ung homme d’armes commun deveroit souffrir homme pour homme/ mais a dire que celuy fut tant solennel que a peine son pareil peust estre mis en son lieu/ de y mettre plusieurs autres assez moins vallables ne seroit pas raison. S’il advenoit que ainsy bon y meist je ne le dy pas que la chose ne fust fort raisonnable/ car si que devant t’ay dit/ l’omme d’armes n’est pas maistre de soy puys que par serment est obligé. Pour celle cause te dis que icelluy n’en seroit pas quitte quelque necessité ne quelque affaire qu’il peust avoir en ses besoingnes se de grace especiale le prince ou capitaine qui de ce a la charge de son bon vouloir et plaisir ne l’en quittoit. Et y a bonne raison Car se aucun obligé estoit de paier dix aulnes d’escarlate et il paioit en ce lieu gros burel quoy que tout fust drap ne deveroit pourtant estre quicte.