L'art de chevalerie selon Vegece
Cy commence a parler de fait de armoierye se chascun peut prendre telz armes qu’il luy plaist. xv. c
Maistre sans faulte je voy & congnoys que ton savoir est en bien souldre proprement toutes questions que me pourroit estre l’importunité de mon ignorance/ & comme assez doibt suffire sans toy plus travailler ce que declaré m’as de droit d’armes s’il te plaist encore ung mot pour moy faire sage d’aucune chose assez deppendans des precedentes/ c’est assavoir de droit d’armes/ apres lesquelles demandes que trop ne t’ennuye je te prendray fin en con[cluant mon livre. C’est que tu me dies du fait des] devises d’armes banieres et penonceaux que seigneurs ont acoustumé de porter & faire paindre en leurs paremens se chascun les peut prendre & porter a son vouloir.
Amy chier de ses armes qui premierement furent trouvees par noblesse/ affin que en bataille chascun noble homme fust recongneu par ses armes troys differences y a/ dont les unes furent faictes et ordonnees des le temps ancien pour l’estat des dignités et non pas de leur personne ne de leur lignage/ sicomme est le signe de l’aigle/ lequel est deputé pour la dignité imperial Si ne le doibt nul porter s’il n’est empereur.
Item semblablement y a autres armes qui sont d’office/ sicomme nous dirons les capitoliers de thoulouse/ lesquelz durant leur office portent unes propres armes ad ce deputees es choses qui a office appartiennent. Semblablement les consulz de monpellier/ mesmement se assemblee on faisoit en la ville ces propres armes d’office porteroient/ & se autres prenoient/ on les reprendroit & ne leur seroit souffert Et semblablement en divers lieux sont propres armes.
Item la seconde difference d’armes est de celles qui purement viennent par succession de linage aux roys ducs contes et aultres seigneurs plus petis sicomme est l’ermine pour le duc de bretaigne/ la croix d’argent au duc de savoye et ainsy des aultres seigneurs Et de ceulx par especial ne deveroit nulz prendre les armes/ & encores peux tu veoir que on congnoist tousjours le chief de la seigneurie ad ce qu’il porte les plaines armes sans difference & que ceulx qui sont du lignaige tous aultres gentilz hommes/ sy te dy bien que de droit & raison nul ne se doibt embatre de riens prendre sur armes de gentilz hommez ne porter choses semblables ne mesmement gentil homme sur l’autre s’il n’est ainsy que de ancienneté puisse monstrer qu’elles aient esté a ses predecesseurs/ ou que aucun seigneur eust donne bende/ quartier ou aucune partie de ses armes a luy ou a ses bons predicesseurs/ car par ainsy les pourroit il bien porter sans ce que le linage y peust contredire/ car a aucuns barons chevaliers et gentilz hommes ont esté donnees les armes qu’ilz portent d’ancienneté ou les differences qui y sont par aucuns princes ou grans seigneurs/ si ne doibvent estre prinses par nul autre si que dit est/ mais bien est vray que s’ilz avoient ou veoient que ung homme estrange venist en place qui portast les mesmes armes & toutes pareilles d’aucun gentil homme de france ou d’autre part/ que d’ancienneté semblablement eussent porté ses predecesseurs/ il ne feroit tort a personne ne riens ne luy en pourroit estre demandé.
Item la iii.e difference est des armes que chascun jour sont trouvees a voulenté sicomme il advient aucunesfoys que fortune eslieve les hommes a son plaisir si que les bien petis montent en hault estat/ & aucunefoys advient par la suffisance des personnes ou en armes science sagesse ou conseil ou par autre vertu avoir en soy que hommes se font diversement/ si n’est pas mal employé a ceulx qui le vallent par noblesse de vertu/ & adonc quant ceulx se voient en estat monter prennent armes a leur voulenté & de tel devise qu’il leur plaist dont les aucuns se fondent sur leurs surnoms/ sicomme ung homme qui aura nom pierre maillart prendra les mailletz/ & ainsy diversement/ ou d’autre devise se mieux leur plaist/ & puis les hoirs qui de luy descendront porteront a tousjours icelles/ et par celle voye prennent premierement armes.