L'art de chevalerie selon Vegece
Cy devise comment champ de bataille monte et represente aucunement fait et proces de pledoierie/ et se c’est droit que a l’entree les champions facent serment. xe. cha.
Mais quoy que gaige de bataille si que t’ay dit cy devant soit de nos docteurs reprouvé. Neantmoins pource que c’est chose en usage es faitz de nobles et en chevalerie/ & que telz debatz ont esté sont et seront jugés par les princes et seigneurs selon tel droit que avoir y peut dont la coustume ne deffaudra pas en tous lieux est bon encore d’en parler a l’enseignement de ceulx qui les ont a juger/ & aussy de ceulx qui les entreprennent/ car je tiens que la moindre partie des nobles quoy que plusieurs en parlent/ sache bien ce qui en est contenu ou doibt estre contenu en tel debat juger entreprendre et faire sy t’en diray.
Tout premierement doibs savoir et il appert que icelles particulieres batailles monstrent en figure nature de jugement car ainsy que en ung jugement est le juge/ aussy celluy qui demande & le respondant les tesmoings/ et apres la sentence vient/ semblablement en champ cloz est le juge c’est le seigneur pardevant lequel se fait la bataille/ le appellant et le deffendant sont les deux parties contradictoires/ les tesmoings sont les coups qui s’entredonnent et les armes dont ilz sont saizis. Par lesquelz coups et armes chascun s’efforce de bien prouver son intention/ & apres vient la victoire qui est escheue a l’un des deux qui represente la sentence diffinitive.
Maistre or te pri que nul ne t’ennuye se ung petit rons ta parolle pour toy faire une petition. Pource que j’ay ouy dire que a entrer au champ les champions font serment se c’est chose juste que jurement y facent/ car il sembleroit que non/ et que ja n’en fust besoing pource que en bataille generalle en laquelle seroient deux roys et leurs gens n’y seroit fait nul serment. et pour quoy le feront deux personnes.
Amy je te respons que de faire serment est le droit de tel debat/ & n’est pas bonne la raison que tu dis que es grans batailles ne se fait nul serment/ scez tu la cause pource que les grandes et generalles batailles/ sont par deliberation de grant conseil jugees par les seigneurs/ sy n’y affiert point de jurement/ mais en tel debat particulier le prince ne peut pas la verité de la querelle bien savoir/ & pource veult avoir le serment de ce qu’ilz prennent a tesmoingner par leurs corps/ si l’appelle la loy lombarde le jurement de la teste/ & se jurement si est de nature calompnie lequel se doibt damner de tout le plait/ ou lors jure le demandant qu’il fait bonne et juste demande. Apres jure le deffendant qu’il a juste deffence/ & tout ainsy fait on en champ clos/ mais affin que tu l’entendes se il y a subtile maniere de donner serment/ car se l’appellant jure absolutement contre l’autre de la chose dont il n’est pas bien certain sicomme de dire sur sainctes evangilles que tu as meurdry mon pere ou mon frere/ & toutesvoies il n’en sera pas bien certain/ car il ne l’aura pas veu/ mais l’aura paraventure ouy dire ou pour quelque couleur le suspicionnera/ le serment est follement fait/ car nul ne doibt jurer absolutement chose que de veue ou par propre sceue n’en soit certain. Et par ce fait peut estre sa querelle mauvaise s’il n’est ainsy qu’il dit il se parjure/ mais du deffendeur est aultre chose/ car il ne peut estre ignorant de la querelle : car bien scet se du fait est coulpable ou non/ & pource est sa querelle meilleure au cas qu’il ne se sente estre coulpable/ mais se a son escient se parjure trop est pire sa cause que de l’appellant qui verité cuide dire. Pource en greigneur sceurté d’avoir juste querelle/ l’appellant doibt jurer sans plus qu’il tient fermement que l’autre luy ait occis son pere dont il l’appelle/ & par ainsy sera sa querelle meilleure/ si doibt dire devant le prince la cause pour quoy il est meu/ la maniere & le cas/ & le prince sur ce doibt estre saige et advisé par les circonstances se ce peut estre vray Car se ledit criesme eust esté fait le jour devant pres du boys/ & cellui qui en seroit accusé povoit prouver que ledit jour eust esté bien loingz de la ou toute la journee autrepart/ ne deveroit point donner de foy a tel appellant de la chose qui impossible seroit/ si doibt bien adviser que la querelle soit juste ains qu’il l’accepte/ et non pas ouyr tous appellans par frivoles folz mouvemens/ folles oppinions & cuidiers/ car moult en est de sy pou saiges qui se vouldroient ad ce follement exposer sans nulle cause ou a pou d’occasion et leur sembleroit fait tresglorieux/ parce que petit ont de consideration/ si n’est pitié quant a ceulx en prent mal mais a ceulx de leur partie est compassion qu’ilz convient qu’ilz se deffendent/ ou s’ilz ne se deffendoient l’usaige d’armes leur courroit sur et donneroit blasme et deshonneur voire selon l’oppinion des jeunes et non sages en ce cas.
Et je te demande se l’appellant et l’appellé voulzissent combatre es plains champs ou en l’absence du prince suffiroit il/ Je dy que non/ car c’est cas dont la congnoissance luy appartient et en doibt juger/ duquel leur vouloir ne peut faire providence/ ains fault que ledit seigneur ou celluy qui commis y est Aussy ceulx qui garder les doivent soient presens et que chascun d’eulx soit en sceureté de toute autre personne/ ne homme du monde n’y doibt parler sur peine d’en estre grandement pugni/ se ce n’est par le commandement du seigneur qui doit juger en la fin lequel des deux eust vaincu ou vainqueur.