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L'art de chevalerie selon Vegece

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Cy devise les choses en quoy le roy ou prince doibt avoir regard/ ains qu’il juge champ de bataille Et comment on doibt donner conseil a ceulx qui combatre se doivent. xiiie. chapitre.

Des batailles en champ cloz dont tu m’as devisé te dyray qui a present sont en usage en plusieurs pays et ont par long temps esté par tout le monde tellement que par longue coustume de les avoir souffertes nonobstant la deffence du decret et du droit canon si que tu dis sont tournees sicomme en loy ce me semble que forte chose doit estre aux princes de bien determiner et juger le cas que telles batailles requierent/ car il n’est pas doubte que les seigneurs desirent et veullent que droit soit fait a ung chascun Et pour celle cause requierent et seuffrent telle bataille faire/ affin que les cas obscurs & mussez soient attains.

Amy chier vray est ta parolle sans faulte et pource en affermant ce que tu dis que telle bataille en soit le jugement moult perilleux me plaist la doctrine et enseignement des nobles/ a laquelle fin tu laboures en cestuy livre de mettre sans plus & desclairer aucunes rigles a tenir sur ceste matiere.

La premiere rigle soit que nul prince seculier affin qu’il ne faille tant soit prudent & sage quelque bon conseil de sages chevaliers qu’il ait ne doibt juger champ de bataille/ quelque bon conseil qu’il ait aussi de seculiers se ce n’est par le regard des saiges legistes pour ce que de tous cas qui advenir pevent mieulx en sauront determiner que autres gens/ car se leur enseigne leur science/ si est a eulx desclarer des cas se c’est bon ou mal a faire se c’est chose reprouvee ou permise/ ou se ung cas a previlege devant ung autre/ & qu’il soit vray que telz gens quant expers sont en sachent mieulx determiner que autres l’octroye la loy civille/ laquelle dit que les advocas sont protecteurs & gouverneurs d’humain lignage.

Encore y a autres raisons par quoy affiert a eulx en determiner devant tous aultres/ c’est pource que chevaliers et seculiers autres gentilz hommes sont plus legierement meuz a juger armez que autres gens qui ne sont que clercs/ & leur vient de ung estatut qu’ilz ont en eulx qui reputeront ung homme deshonnoré se tantost ne accepte le gaige de celluy qui le donne qui est une oppinion mute sans nul regard de raison quant a ce sauve leur reverence/ car moins deveroit estre honnoré celluy qui donneroit/ ou accepteroit le gaige pour pou d’occasion ou pour fol ou nice/ incontinent que celluy qui le refuseroit/ car sans faulte pas n’est deshonneur/ ains est le contraire de non consentir et reffuser folle entreprinse voire par especial de perdre si chier chastel comme est l’ame avecques le corps/ & pourroit dire l’assailly/ mon amy se tu as voulenté de combatre si te combas a par toy/ car quant est a moy je ne vueil pas estre a ta follie participant.

La seconde rigle que le prince garder y doit est de quoy ung gentil homme acceptast le gaige de ung aultre/ qui paradventure sera meu contre luy par aucun malice/ par chaleur par quelque faveur/ par oultrecuidance orgueilleuse pour l’autre cuider suppediter pour mieulx valoir ou par quelque aultre mouvement sans raison.

Le prince ou quelq’un son lieutenant doibt sur ce estre advisé meurement de bien entendre la matiere de l’appellant et le bien noter Car aucuns en y a qui veullent coulourer droit sur falace de parler & si folz sont qu’ilz cuident tromper dieu/ mais ce leur vient sur le chief Avec ce doibt bien considerer quelle est la cause qui le meut & quelle chose met sur a l’autre/ & s’il est ainsi que le prince ait entendu que ce soit pour cause de debte Il doibt demander a l’appellant pourquoy la debte luy est deue/ en quel païs & en quel lieu la debte fut faicte s’il a de ce lettre ne tesmoing & se fait fut sy secretement que ame n’y fust/ se point d’escrit y a ou aultre seelle/ & s’il advient que apperceu soit que aucun pou d’apparence de preuve y ait/ ou quelque couleur/ par quoy jurement de droit y puisse congnoistre/ la doibt la cause commettre Car en tel cas homme ne pourroit par droit soustenir que avoir y deust bataille.

La tierce rigle est que le prince doibt faire proposer l’appellant la cause et action qu’il a contre l’autre/ & aussy que le deffendeur soit ouy present son conseil ou soient si que dit est les clers legistes/ & la doibt estre bien veu lequel a juste cause/ & que chascun en die son oppinion. Apres laquelle chose s’il est ainsy que trouvé soit que la guerre soit esmute par orgueil follie ou presumption/ comme de dire Je vueil prouver mon corps contre le sien en champ jusques a oultrance/ pour honneur acquerre et pour l’amour de ma dame ou que plus belle est que la sienne/ et telles manieres de follie/ tantost doibt estre deboutee ceste chose et non ouye et deffendre que plus n’en soit parlé & encores te dy je/ que pour parolles quelconques tant soient injurieuses se dictes sont en fureur ou chaleur par suspicion ou merencolie/ si que celluy contre qui ont esté/ s’en vueille combatre/ n’y doibt pas avoir de bataille : si non que celluy qui dictes les a les voulzist tousjours maintenir et combatre en celle querelle qu’il fust ainsi comme il auroit dit : a laquelle chose se ainsy advenoit encores se deveroit on pener de amoderer l’un et l’autre que bataille ne se feist nullement si que dit est ne doibt estre emprinse faicte ne jugee se trop grant cause n’y a/ ains deffendue et destournee tout le plus tost que on peut.

Mais s’il est ainsy d’aucune adventure que le cas soit grant sicomme de traïson de meurdre d’efforcement d’avoir bouté feu ou d’autre grant chose/ que l’appellant ne puist prouver ne monstrer fors par la preuve de son corps et que le deffendant ne se puisse nullement excuser que coulpe n’y ait/ a dont sy que dit est par le regard et consentement de tout le conseil doibt le prince juger la bataille selon ce que la loy du cas le requiert/ lequel est tel que tantost jugié sera quoy que plusieurs soient orgueilleux qu’ilz ne se fient si non en la force de leurs corps/ & ne font compte de dieu ne de son aide/ y doibt avoir aucuns saiges preudommes ad ce commis qui monstrer leur doibt le grant peril d’ame et de corps ou ilz se sont mis/ et que bien se advisent et confessent a saiges confesseurs/ & en bon estat se mettent/ si appellent dieu/ car encore leur en sera besoing Et ainsy admonnestent chascun a par soy bien et saigement leur conseil a part/ leur dient comment telle chose est pesant : ou il convient mourir ou estre deshonnoré/ sy se advise que tart ne viengne au repentir/ & toutes telles choses banies/ a ame et corps sache chascun conseil dire au scien et loyaument admonnester ne point ne le laisse jusques a la fin de la chose ou il a mestier d’estre bien conseillé mesmement es tours d’armes qui en telz cas sont convenables tant a assaillir comme en deffence/ et pour ce faire se c’est assavoir pour y conseiller d’une partie/ et l’autre leur doibvent estre baillez chevaliers expers et sages en tel art et science.

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