Rusbrock l'Admirable (œuvres choisies)
LANGUEUR ET IMPATIENCE
Quand le Christ a invité l’âme à l’union, et que la créature a monté, offrant ce qu’elle peut, sans atteindre ce qu’elle veut, alors naît la langueur spirituelle. La moelle des os, où résident les racines de la vie, est le centre de la blessure. Le Christ, installé au sommet de l’esprit, lance les rayons de la lumière divine dans le lieu même du désir, dans le lieu de la soif ; or toutes les puissances sont brûlées et séchées par l’ardeur de ces rayons. La soif brûlante de l’âme et le rayon qui frappe sur elle produisent la langueur durable. Si l’âme ne peut pas rencontrer Dieu, comme elle ne veut pas se passer de lui, au dedans et au dehors s’élève la tempête de l’insupportable, et le ciel et la terre et toutes leurs créatures ne vous donneraient pas une seconde de repos. Dans cet état, l’âme entend des paroles sublimes qui sortent du fond d’elle-même, des paroles salutaires, d’étonnantes et rares leçons ; la sagesse vraie coule en elle ; mais elle désire, elle désire ! La tempête intérieure de l’amour est une chose qui n’entend pas raison, et il lui faut ce qu’elle demande. Cette tempête mange la chair de l’homme et boit son sang ; l’amour est tel alors que, sans aucun travail intérieur, le corps de l’homme se consumerait. Le zodiaque, dans son langage, appellerait cela le signe du Lion… c’est la grande chaleur. Or, le lion est terrible : c’est le roi des animaux. Il vient un moment pour l’âme où le Christ, comme le soleil, entre dans le signe du Lion, et l’ardeur de ses rayons fait bouillonner et brûler le sang du cœur. Or, quand cet amour devient roi, il excède toutes ces mesures, sans se laisser enchaîner par aucune d’elles. Il ignore la mesure, et quelquefois désire la mort, comme moyen d’union. Quelquefois les yeux de l’âme levés, entrevoyant le ciel et Dieu, et la multitude sublime des saints, et la joie et la gloire qui coule par torrent : Il faut donc, dit-il, que je me passe aujourd’hui de cela ! Les larmes arrivent, et l’haleine se perd. Ses yeux quittent le ciel, et, tombant sur l’exil, se mouillent de larmes nouvelles, les larmes de l’attente et de l’avidité qui coulent sur les joues de l’homme. Elles ressemblent à un rafraîchissement ; elles sont salutaires et même nécessaires à la nature physique, pour protéger les forces contre les violences de l’amour.