Rusbrock l'Admirable (œuvres choisies)
DE L’EMBRASSEMENT
Quand le contemplateur intime a remonté vers son type éternel, quand, par la voie du Fils, il a obtenu le sein du Père, illustré maintenant par la vérité divine, il reçoit à toute heure une nouvelle naissance divine, car il ressemble à la lumière. Quelque chose de suprême, comme l’embrassement de Dieu, le place sur les hauteurs de la béatitude. Le Père se tourne activement vers son Fils, vers la Sagesse éternelle : Lui, principe et source de tous les êtres, il se tourne avec tout ce qu’il porte en lui ; le fils avec tout ce qu’il porte en lui, avec le monde des vivants, se retourne vers le Père qui l’a engendré ; de leur mutuel embrassement procède le Saint-Esprit, qui est leur amour, qui vit avec eux deux dans l’unité de l’essence. Or l’amour actif et jouissant de la Trinité a de tels embrassements, de telles opulences et de telles pénétrations, que le silence des créatures est absolu ici. Les prodiges de l’Incompréhensible, qui sont contenus dans cet amour, écrasent et excèdent toute intelligence créée. Or, si l’amour est transporté dans le lieu où les prodiges sont embrassés et goûtés sans étonnement, l’esprit, bien plus haut que lui-même, consomme avec le Seigneur le mystère de l’union, et dans l’unité du fond vital, en possession de lui-même et revêtu de son type éternel, il contemple et goûte sans mesure, par des procédés divins, les trésors que Dieu est lui-même.
Les délices de l’embrassement divin sont renouvelés au fond de nous par une activité qui ne se relâche jamais : c’est l’embrassement de l’amour dans une complaisance mutuelle et éternelle. C’est un renouvellement qui se fait à toute heure dans le nœud de l’amour. Toutes choses sont contemplées actuellement par le Père dans l’éternelle génération du Fils ; toutes choses sont actuellement aimées par le Père et le Fils dans l’éternelle procession de l’Esprit. Or l’embrassement du Père et du Fils est actif par excellence ; c’est dans cet embrassement que nous sommes étreints par la vertu de l’Esprit, au fond de l’éternel amour. Or ce baiser et cet embrassement est une activité qui jouit d’elle-même au fond d’un abîme sans fond.
L’abîme de la divinité, qui n’a pas de mesure, est une ténèbre sacrée qui comprend, embrasse et surpasse toute propriété dans le magnifique embrassement de l’unité essentielle ; le mystère de la jouissance s’accomplit dans la profondeur sans nom. Le transport de la jouissance est une certaine immersion dans l’unité essentielle, où tous les noms de Dieu, où toutes les lumières qui brillent dans le miroir de la vérité divine s’écoulent dans la simplicité sans nom de l’essence, où les mesures sont inconnues. Voici l’inépuisable et inscrutable simplicité de l’abîme. C’est ici que toutes choses sont embrassées dans la jouissance béatifique.
Mais l’abîme lui-même n’est embrassé par rien, si ce n’est par l’unité essentielle. Je ne parle plus ici des personnes divines, ni de tout ce qui est vie en Dieu. Je parle de l’embrassement de l’amour ; c’est l’éternel repos dans l’effusion de la jouissance fondante. Les esprits doués du dévouement intime ont choisi cet asile pour s’y reposer éternellement. Et voilà le silence caligineux où tous les esprits d’amour se sont en quelque façon perdus. Et nous, si nous avons agi pour nous préparer, délivrés de notre prison, nous naviguerons dans l’océan de la Divinité, sans qu’aucune créature nous soit obstacle ou gêne. Puissions-nous, par la vertu de l’Amour divin, qui n’a jamais méprisé les prières d’un mendiant, obtenir la possession de Dieu, la contemplation claire de la Trinité divine, et la jouissance sublime de l’unité essentielle. Amen.