Rusbrock l'Admirable (œuvres choisies)
DIEU ET L’ESPRIT
RENCONTRE SURNATURELLE
Si le lecteur a bien compris ce qui précède, il pourra facilement s’élever plus haut. Dans cette unité, dont j’ai déjà dit quelques mots, l’esprit humain peut rencontrer un mode d’activité inférieure à lui-même, identique à son essence et à sa personnalité propre. Ceci est le fond de l’abîme où roule la source des forces suprêmes, c’est le principe et la fin des actions de la créature opérées par elle, en elle et au-dessus d’elle. L’unité, considérée en soi, réside au-dessus des actes qui s’accomplissent par elle ; mais toutes les forces de l’âme, dans l’éminence de leurs opérations, reçoivent puissance et vertu quand elles touchent ce fond, cette origine, cette source, qui est l’essence même de l’esprit. C’est dans cette unité que l’esprit de l’homme rencontre par sa grâce et sa vertu la ressemblance divine, ou la dissemblance par le péché mortel. La ressemblance divine est fille de la lumière déiforme ; sans celle-ci l’union surnaturelle est absolument impossible. Il y a en nous une certaine image naturelle de Dieu : c’est une ombre quelconque d’unité, c’est une ressemblance admissible, mais tout à fait insuffisante. Sans la ressemblance qui vient de la grâce, la damnation éternelle nous attend. Dès que Dieu nous voit habiles à recevoir sa grâce, sa bonté libre est prête à nous conférer le don qui nous donne sa ressemblance. Notre aptitude à recevoir sa grâce dépend de l’intégrité intérieure avec laquelle nous nous mouvons vers lui. Au moment même de notre mouvement, le Christ vient à nous avec ou sans intermédiaires, c’est-à-dire avec ses dons ou au-dessus d’eux. Nous aussi, nous nous précipitons en lui et vers lui avec ou sans intermédiaires, c’est-à-dire avec nos puissances ou au-dessus d’elles. Or lui-même, nous apportant ses dons et se donnant lui-même, nous imprime sa ressemblance, nous absout et nous délivre. A l’instant de la délivrance, l’esprit se plonge dans la jouissance de l’amour.
Et voici la rencontre, l’union surnaturelle et sans intermédiaire dans laquelle la béatitude consiste. En vertu de l’amour et de la bonté libre, donner est chose naturelle à Dieu ; mais, quant à nous, dans notre spécialité humaine, recevoir est un accident. Étrangers que nous sommes et dissemblables, il nous faut une force au-dessus de notre nature pour conquérir similitude et union.