Rusbrock l'Admirable (œuvres choisies)
LA PAIX DES HAUTEURS
Le sommet de la montagne c’est la fixité de l’âme arrêtée en toute justice, en toute vertu, et sa stabilité en Dieu. L’amour nu fait l’esprit simple, et l’homme, livré à eux, est délivré des créatures. Il entre en vacances ; l’amour nu soulève l’homme au-dessus de lui-même et de ses actes ; il établit l’esprit dans la paix de la jouissance où se consomme l’union divine. Si nous voulons faire cette expérience, il faut livrer à l’occupation divine le dernier fond de notre fond intime, et demander une réciprocité quelconque, et faire le vide dans nos puissances. Il faut que notre amour contracte une telle pesanteur, que, pénétrant jusqu’au fond la substance de ses créatures, il ne se repose qu’après avoir trouvé Dieu dans l’abîme, Dieu seul. C’est là que l’intelligence nue est imprégnée de vérité éternelle, comme l’air est imprégné de la splendeur du soleil. C’est là que l’amour divin pénètre nos profondeurs, comme le feu pénètre le fer. C’est là que nous trouvons en nous le royaume de Dieu. C’est de là que nous sommes excités et envoyés vers toute justice et toute vertu extérieure. Car L’AMOUR NE PEUT ÊTRE OISIF.
L’Esprit du Seigneur, remuant toutes les puissances de l’homme, les pousse au dehors vers toute activité juste et sage. Il fait de nous un tabernacle spirituel. Puis il nous retire et nous rappelle au dedans. Il nous met devant les yeux, en toute action, la gloire de Dieu, et nous sommes faits, avec notre substance et notre activité, un seul et sublime sacrifice. Et la fixité de la justice demeure avec nous. Mais quand nous jouissons de la simplicité, possédant tout bien dans l’amour superessentiel, nous demeurons au fond de nous, plongés dans la paix de l’essence, établis au-dessus de tout, dans l’unité supérieure. Cette expérience se fait quand nous entrons, dépouillés de nos embarras, dans la simplicité de l’amour essentiel. C’est là que nous sentons la jouissance interminable, celle qui dit : Je ne finirai pas.