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Rusbrock l'Admirable (œuvres choisies)

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LA GARDE

Ce que j’entends par la garde, c’est l’acte par lequel l’homme livre à Dieu sa volonté propre et toute sa propriété pour ne plus pouvoir vouloir que ce que Dieu veut. Alors notre liberté est mise sous la garde de la liberté divine ; nous sommes libres ; Dieu est libre ; il faut enclore notre volonté dans la sienne. Quel que soit notre genre de vie et l’habit qui nous couvre, il faut que chacun devienne le saint de Dieu. Tant que nous aimons mieux prendre nos sûretés que de nous confier absolument, tant que notre volonté a des caprices étrangers à l’union divine, des fantaisies de oui et de non, nous restons à l’état d’enfance, nous ne marchons pas à pas de géant dans l’amour ; car le feu n’a pas encore brûlé tout l’alliage ; l’or n’est pas pur ; nous sommes encore les chercheurs de nous-même ; Dieu n’a pas consumé toute notre hostilité à lui. Mais quand le bouillonnement de la chaudière a consumé et brûlé tout amour vicieux, toute douleur vicieuse, toute crainte vicieuse de perdre ou de ne pas gagner, alors l’amour est parfait, et l’anneau d’or de notre alliance est plus large que le ciel et la terre. Voilà le cellier secret où l’amour place ses élus ; voilà le mystère que chante l’Épouse du Cantique des cantiques. C’est ici que la charité et toutes les vertus entrent dans l’ordre. Voilà la vie extérieure et la vie intérieure ; voilà toute pratique, toute vérité, toute justice ; voilà le principe, la vie, l’accroissement, la nourriture, la conservation de toute vertu. Toute chose est à sa place ; l’activité fait partout l’ordre ; et cependant l’amour demeure avec le bien-aimé dans le cellier éternel, plus haut que la raison, plus haut que la mesure, plus haut que sa vie extérieure. L’amour se suffit à lui-même, sa soif ardente trouve dans le cellier le vin que ses lèvres cherchent ; exempt de désirs vains et de menteuse concupiscence, il possède Dieu dans son abîme intérieur ; dans son ascension, l’amour, sans perdre l’ordre, perd la mesure qui arrête, et trouve l’ivresse. L’amour nous entraîne au-dessus de la raison, dans l’ignorance bienheureuse, dans l’ignorance sans fond, il nous entraîne dans les détours et les sentiers que lui seul connaît, et il nous entraîne sans retour. Nous ne revenons plus sur nos pas.

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