Chronique du crime et de l'innocence, tome 1/8: Recueil des événements les plus tragiques;...
LE BARON DE SAMBLANÇAY,
SURINTENDANT DES FINANCES SOUS FRANÇOIS Ier.
Jacques de Beaune, baron de Samblançay, surintendant des finances sous François Ier, est un terrible exemple de l'inconstance de la faveur des rois.
Il jouissait d'un immense crédit à la cour; depuis long-temps il administrait les finances à la satisfaction de François Ier; ce prince aimait ce vieillard, il l'appelait son père. Tout-à-coup Lautrec laisse perdre le Milanais, et allègue, pour se justifier, qu'il a manqué d'argent, qu'il n'a pas touché les sommes qui lui avaient été destinées.
Ces plaintes retombent sur Samblançay; le roi lui en fait de vifs reproches; Samblançay s'excuse en disant que, le même jour que les fonds avaient été préparés, la reine-mère était venue elle-même à l'épargne, pour lui demander tout ce qui lui était dû de ses pensions et des revenus du Valois, de la Touraine et de l'Anjou, dont elle était douairière, l'assurant «qu'elle avait assez de crédit pour le sauver s'il la contentait, et le perdre s'il la désobligeait.» Le roi ayant mandé sa mère, elle avoua qu'elle avait reçu de l'argent, mais elle nia qu'on lui eût dit que c'étaient les fonds destinés au Milanais.
Alors le malheureux Samblançay fut sacrifié. La haine que lui portait le chancelier Duprat, fortifiée de celle de la reine-mère, consomma sa perte. Il fut jugé par des commissaires, forme de procédure ordinairement usitée quand on voulait immoler des innocens.
Samblançay fut condamné à être pendu au gibet de Montfaucon, en 1527, pour crime de péculat. Il fut long-temps à l'échelle avant d'être exécuté, espérant toujours sa grâce, mais il l'attendit en vain. Lorsqu'on lui annonça qu'il fallait mourir, il s'écria «J'ai bien mérité la mort pour avoir plus servi les hommes que Dieu.»
Le public, cette fois, fut moins crédule qu'à l'ordinaire. On regarda généralement la mort de Samblançay comme le résultat d'une intrigue de cour.
On lit dans les mémoires d'Amelot de la Houssaie, que «Réné Gentil, premier commis de l'épargne, avait rendu à la reine-mère les quittances qu'elle avait remises à Samblançay, en recevant l'argent de l'armée d'Italie.» Ce fut là peut-être une des causes de son malheur. Du reste, ce Gentil fut puni de cette insigne prévarication; quinze ans après il fut pendu à son tour.
La mémoire de Samblançay fut réhabilitée quelque temps après sa mort; preuve tardive, mais irrécusable, de son innocence.