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Chronique du crime et de l'innocence, tome 1/8: Recueil des événements les plus tragiques;...

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ROI DE FRANCE,
VOLEUR DE GRANDS CHEMINS.

Philippe Ier, roi de France, reçut une éducation vicieuse. Il n'avait que sept ans, lorsqu'il succéda, en 1060, à son père Henri Ier. Il régna d'abord sous la tutelle de sa mère, puis sous celle de Baudouin V, comte de Flandre. Ce fut sous son règne que s'établit, à Paris, une nouvelle magistrature, à la fois fiscale, judiciaire et militaire, et qui fut nommée Prévôté. On croit que le premier prévôt fut Étienne, homme rapace, de mauvais conseil, très-indigne en tout point de remplir ces fonctions délicates.

Étienne détermina le roi Philippe, encore jeune, à piller l'église de Saint-Germain-des-Prés. L'or, l'argent, les pierreries des reliquaires, devaient être la proie du prince et de son prévôt. Tout était disposé pour ce projet sacrilège, mais un miracle, disent les légendaires, vint à propos en arrêter l'exécution. L'audacieux prévôt qui convoitait surtout la précieuse croix que Childebert avait apportée d'Espagne, sur le point de porter la main sur cet objet sacré, devint subitement aveugle. Effrayé de cet accident, le roi ne voulut point passer outre, il se retira.

C'est sans doute par suite des mauvais conseils de ce prévôt, que l'on vit ce roi adopter les habitudes des seigneurs de son temps, et guetter les marchands sur les chemins pour les voler. Le pape Grégoire VII adressa, sous la date du 10 septembre 1074, une lettre à tous les évêques de France, dans laquelle il donnait une esquisse des brigandages de ce prince. Il y signale les désordres de toute espèce qui désolaient la France à cette époque, puis continuant: «Votre roi, dit-il, ce roi que l'on doit plutôt qualifier de votre tyran, inspiré par le diable, est le principal auteur de ces désordres. Il a souillé de débauches et de crimes tout le cours de sa vie. Ce misérable a pris les rênes du gouvernement sans savoir les tenir: il a, par sa trop grande faiblesse, favorisé la dépravation de ses sujets, et, par ses exemples, les a autorisés aux attentats que je viens de signaler..... De plus, lui qui devrait être le défenseur des lois et de la justice, n'a pas eu honte d'agir comme un chef de voleurs. Dernièrement des marchands de divers pays se rendaient à une foire qui se tient en France, lorsque ce roi, en vrai brigand, les arrêta et leur enleva une somme considérable d'argent.»

Dans une autre lettre adressée à Guillaume, comte de Poitou et duc d'Aquitaine, le même pontife retrace les mêmes excès. «Poussé par une cupidité que rien ne peut excuser, dit-il, il n'a pas rougi de souiller la majesté du trône, en pillant des marchands d'Italie, qui se rendaient dans votre pays.»

Dégoûté de sa première femme, Philippe enleva avec violence, en 1092, Bertrade, femme du comte d'Anjou, et trouva un archevêque et deux évêques qui consacrèrent ce rapt, en bénissant cette alliance criminelle.

Philippe fut le premier roi franc qui altéra les monnaies; il fit frapper des pièces d'argent où il entrait un tiers d'alliage en cuivre. Il fit, comme son père, un trafic scandaleux des bénéfices ecclésiastiques, et donna l'exemple de plusieurs crimes.

Un de ses plus puissans vassaux, le duc de Bourgogne, Odon ou Eudes Ier, surnommé le Boucher ou le Bourreau, ne rougissait pas non plus d'arrêter et de dépouiller les passans. Instruit qu'Anselme, archevêque de Cantorbéry, traversait ses états pour se rendre à Lyon, et qu'il portait avec lui de grandes richesses, il vint avec une force suffisante s'embusquer sur son passage. L'archevêque, avec ceux de sa suite, s'était arrêté dans un lieu commode pour se rafraîchir; le duc, escorté d'un grand nombre de chevaliers armés, fond brusquement sur ces voyageurs, en disant: «Lequel de vous est l'archevêque?» Le prélat monte aussitôt sur son cheval, s'avance vers le duc, et d'un air fier et imposant, lui dit: «C'est moi!» Alors le duc, saisi de confusion, rougit, baisse la tête, reste interdit. Anselme profitant de son embarras, lui dit: «Seigneur duc, vous plaît-il que je vous embrasse?» Le duc entraîné par l'accueil de l'archevêque, y répond par ces mots: «Seigneur, je suis prêt à vous embrasser et à vous servir, et me réjouis de votre arrivée.» Le duc et le prélat se séparèrent bons amis en apparence. Ce dernier, content d'avoir échappé au danger, donna sa bénédiction au prince, et se hâta toutefois d'aller coucher à Clugny.


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