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L'enfant à la balustrade

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II

A eux deux ils obtinrent que mon père ne ferait point de tapage. Ils lui conseillèrent d'écrire simplement à ces messieurs, en les priant de rayer son nom figurant à tort sur leur liste. Le malade trouva ce parti raisonnable et l'exécuta.

Coqueugniot expédiait les affaires de l'étude et venait en rendre compte dans la chambre à coucher. Mais l'état pathologique du «patron» l'intéressait beaucoup plus que les affaires. Et comme chacun s'amusait à l'entendre parler médecine, on ne l'empêchait point de discourir. Mon père surtout prenait plaisir à voir son clerc s'égayer irrévérencieusement des ordonnances du docteur Troufleau. Et il les lui tendait volontiers par-dessus les potions qui encombraient la table de nuit. Coqueugniot balançait son long corps maigre et expectorait un rire caverneux.

Mais petite-maman commençait à se fatiguer des facéties du maître-clerc. Elle trouvait qu'il était de mauvais goût de plaisanter ce pauvre docteur Troufleau, «fort intelligent» sous ses allures de petite femme, et qui, en somme, avait tiré mon père d'un mauvais pas.

—Mais oui! d'un très mauvais pas! On peut te le dire maintenant: nous avons eu des inquiétudes.

—Bast.

—Oh! tu peux rire. N'empêche que dans deux jours tu seras debout, grâce à ses soins, qui ont été, il faut l'avouer, plus que ceux d'un médecin, ceux d'un ami, d'un vrai…

—Tu crois que Coqueugniot, à lui seul, ne serait pas arrivé…

—Assez! tais-toi, ou je prierai cet imbécile de rester désormais dans son étude.

Mon père se rembrunissait le soir, lorsqu'on entendait le coup de sonnette du docteur et qu'on n'entendait pas celui de M. Clérambourg. On attribuait son abattement aux susceptibilités de la convalescence. Il remontait volontiers à sa chambre. Il nous laissait en bas, petite-maman, le docteur et moi.

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