L'enfant à la balustrade
XIII
La mère Fouillette, quand elle se trouvait seule avec mon père, soupirait, en époussetant, en balayant, en présentant les bottines:
—Ah! si madame avait seulement un enfant!
Ordinairement, mon père n'y prenait pas garde; un jour, il dit:
—Mais où le mettrions-nous?… Vous m'agacez, à la fin, la mère Fouillette, entendez-vous?
—C'est bon, monsieur! c'est bon!
Elle ne se décourageait point. Ces bonnes femmes sont entêtées, parce qu'elles ont une confiance imperturbable en leur sagesse.
Une autre fois, en faisant le feu dans le cabinet, elle causait des bruits de la ville. Il n'était question que d'une fête magnifique que les Plancoulaine devaient donner à carnaval. Mon père froissait le journal et n'avait pas l'air d'écouter la vieille. Elle fourrageait les copeaux, les rondins, les pommes de pin, sa main décharnée à même la flamme, et j'admirais qu'elle ne se brûlât pas. Elle dit tout à coup:
—Qui donc qui aurait cru que monsieur serait si vindicatif?…
Mon père la regarda.
—Oh! monsieur me comprend bien! Mais, là, c'est-il Dieu possible d'en vouloir si longtemps aux personnes?
—A quelles personnes?
Elle poussa un gros soupir, puis confessa:
—C'est ce pauvre Paletot qui aurait tant de plaisir à revoir sa sœur!
—Fichez-moi le camp! dit mon père, et taisez-vous!… ou j'envoie Paletot à la rivière…
Son journal à la main, il chassait devant lui la mère Fouillette, comme une fumée.