L'enfant à la balustrade
XVI
—Qui est là?
—C'est moi. C'est pour le sabre…
—Attendez un moment!
Elle vint ouvrir. Il me sembla qu'elle était vêtue d'une longue chemise de nuit, et elle se couvrait la poitrine avec une serviette de toilette; ses bras et ses épaules étaient nus. Je remarquai qu'elle avait modifié sa coiffure. Elle demanda:
—Qu'est-ce qu'il y a?
Je dis:
—C'est la bonne de monsieur Clérambourg qui vient chercher le sabre…
Mais elle était déjà retournée à l'armoire à glace. Ce que je lui disais était pourtant bien insolite et valait qu'on y prît garde. En toute autre circonstance elle s'en fût étonnée et eût fait feu de toutes pièces. Je la voyais très bien empoignant le sabre de M. Clérambourg et le jetant par la fenêtre. Non! Devant son armoire à glace, elle tentait d'enfoncer son bras nu dans une espèce de gros ballon qui ne devait être autre chose que la manche d'un corsage un peu étroit pour elle. Je montai sur une chaise; je décrochai le sabre. Elle ne vit rien de ce que je faisais. Son épaule, grasse, forçait l'entrée du ballon. Quelque chose craqua. Ouf! ça y était. Elle put agrafer le corsage, qui lui moulait la gorge.
Je me sauvais avec le sabre; elle m'attrapa par le bras:
—Surtout, ne dites rien! ne dites rien!… C'est une surprise!
Tout de même, elle remarqua que j'avais un sabre à la main; elle dit:
—Mais qu'est-ce que l'on va faire de ce coupe-choux?
Je répétai:
—C'est la bonne de monsieur Clérambourg…
—Ah! fit-elle.
Elle n'avait rien compris; elle avait mieux à faire.