L'enfant à la balustrade
VIII
Les grands-parents firent leur visite. Ils ne nous en informèrent pas, mais nous le sûmes, car cette visite fut l'objet de nombreux commentaires.
Madame Gantois, arrivée la première à la maison, le soir même, prit les mains de petite-maman et les lui serra en disant:
—Vous avez raison, cent fois raison, ma chère petite. Pour mon compte, je vous fais tous mes compliments, et je les adresserai aussi de vive voix à monsieur Nadaud.
Petite-maman ne comprenait pas.
—Voyez-vous, dit madame Gantois, on peut avoir son opinion sur les gens, mais cela n'empêche pas de les fréquenter. Les relations sont faites de compromis… Eh! mon Dieu! si l'on ne voyait que ceux qu'on aime, hein! dites-moi?…
Elle ne se faisait point davantage entendre.
—Ah çà! dit-elle, j'espère que la visite des beaux-parents n'est que l'entrée de l'avant-garde, et que nous ne tarderons pas à vous rencontrer là-bas?…
—Là-bas?… fit la petite-maman, soudain éclairée. Mais les beaux-parents de mon mari agissent comme bon leur semble, et leurs démarches ne nous engagent pas!
—Ah! pardon, dit madame Gantois, je vois que je me suis trompée.
Son mari arriva; elle le pinça et lui fit de gros yeux afin de lui éviter un impair.
Il y eut de la part d'autres personnes des allusions plus timides et plus détournées. Notre abstention les décevait. On s'était attendu à nous voir entrer derrière les beaux-parents. Cependant quelques-uns avaient parié que nous ne mettrions point bas les armes; ils triomphaient. Le jeu des uns et des autres était visible. Mon père s'en irrita; puis il faillit en rire. Il en eût ri s'il eût parlé de ce sujet avec sa femme; mais ce sujet demeurait enseveli entre eux.
Ceux qui s'étaient signalés chez nous par l'âpreté de leurs médisances, et qui, toutefois, mangeaient quotidiennement le raisiné Plancoulaine, montraient le plus d'impatience à nous voir capituler, car notre attitude franche semblait un défi à leur duplicité.
Plusieurs bonnes âmes, il faut le dire, ne souhaitaient qu'apaisement et conciliation.
Pendant quelque temps, il plut chez nous des mots amers, des pointes acidulées, des exhortations à l'indulgence, des expressions ambiguës, des énigmes… Cette période de sous-entendus eut une fin. Les grands-parents retournèrent chez les Plancoulaine; nous ne bronchâmes pas. On nous laissa tranquilles. Le mois de juillet s'écoula.