L'avision de Christine
La fin de la complainte de la dame couronnee.
Belle doulce amie que te diroye ne t’ay je assez tenue es narracions et procés de mes aventures le bien et le mal je t’en ay regehy en general & en particulier puis la naiscence de mon nom jusques au jour d’uy/ Et ce plus m’a eslargie a te signiffier l’estat de mes anuys que piteuse de mes afflictions je t’ay trouvee/ Si est temps des crimes/ que je me seuffre/ de plus te dire/ que trop ne soie longue. O quel plaisir et quel alegement est de dire et descouvrir a son loyal ami ou amie les pesanteurs de ses pensees Car la viande presentee au famillieux n’est plus savoureuse/ Si ne dis plus ce que autre foiz as dit quelle que je appere que glorieuse soye/ Car je t’acertaine se dieu de sa grace n’y remedye que passé a lonc temps ne fus plus perplesse helas mais comment remede du ciel espereroye quant aux miens si mal je le voy desservir Et ancore plus me grieve sans faille le peril de pis ou je me voy que le mal que je seuffre Tout soye bien batue Tout ainsi que cellui qui devant lui voit cil qui l’a navré/ a paour que il le partue Si te mercy ma bien amee en fin de mes paroles de ta loyal amour et compaignie La quelle te pry que ne me faille jusques a la fin.
¶ Non obstant que d’alieurs tu soies requise/ et que de moy et des miens tu ayes petis emolumens/ mais ton bon courage ne vueille delaissier la nourriture de son enfance/ Si demeures constante avec moy ou gracieux labour de tes dictiez/ du quel maint plaisirs ancore feras a moy et mes enfans/ Lesquieulx je te pri que me salues/ Et que leur signifies les plaintes de mes clamours Et que Comme loyaulx et vrays enfans veulent avoir pitié de leur tendre mere/ de qui encore le lait leur est neccessaire et doulce nourriture/ mais vueillent si espargner ses doulces mamelles que ilz ne la succent jusques au sanc.
¶ A tant cesserent les parolles de la dame couronnee Et moy apres ce que selon ma poissance au mieulx que sos je l’os reconfortee/ lui disant que non obstant son grant peril/ se dieux plait les prieres et oroisons de maintes bonnes creatures/ et les biens fais qui sont celebrez par sa terre/ non obstant les grans pechiez qui y queurent/ Comme dieu soit misericors la reserveroyent et tireroient de peril/ La merciay de l’onneur que m’avoit faite et de la charge que commise m’avoit/ lui en promettant vraye excecussion. Et a tant reposer la laissay.
Explicit la premiere partie du livre de l’avision christine.