L'avision de Christine
Dit ancore l’ombre des choses que elle a faites faire.
Depuis ensuivant n’ay je esté celle qui les successeurs de yceulx ay amonnestez d’emprendre les grandes et merveilleuses choses/ lesquelles par l’ayde de fortune a eulx propice/ tant esploitierent et par leur travail ayde et sens en lonc espace de temps que ilz conquesterent le monde Sicomme les histoires de leurs gestes/ et toy meismes apres autres en ton dit livre de mutacion de fortune le recordes/ le recitent/ si n’est besoing de plus en faire longue narracion.
¶ Aussi ne fus je celle qui au grant Alixandre tres sa jonesce donnay l’invension d’emprendre les fortes et fieres batailles en lui promettant fortune en son ayde qu’il seigneuriroit sicomme il vint puis a chief de tout le monde/ Semblablement devant et apres ensuivant de toutes conquestes et seigneuries/ et toutes estranges choses mettre a effaict des choses a l’aventure par propos deliberé/ ay esté moyen et principe/ ce ne me peus tu nyer/ se tu ancores par grosseur d’entendement ne m’ignores/ qu’en dis tu me suis je assez magnifestee/ me cognois tu/ et moy a elle/ dame dites ancore. A quoy veulx tu que plus je dye. Ne vois tu l’experience de moy manifeste meismes chacun jour ou pays ou tu demeures par les debas que je fais par mi la ville et en toutes places/ Regardes et avises quieulx descors/ mais meismement entre les princes qui sont d’un sanc et amis naturellement par les diversitez de moy qui suis contraire en eulx le fois devenir comme ennemis maintefoiz et en chacun suis si afferme contrairement en ce qui lui semble bon que l’en ne me peut desmouvoir Car chacun dit que il a droit et ainsi le veult soustenir et a discuter leurs raisons ne vois tu les assemblees qui en sont faites de plusieurs que on dit sages et a chacun pour soy de ses aderés qui different les uns des autres/ Lesquelles choses sont causes de grant inconvenient/ car en pays royaume/ empire ou cité ou je soie ou aye esté communement de plusieurs guises contraires & mal accordables/ ne fu que rebellion et grant debat commocion et bataille ne fust/ ne autrement ne peut estre Car certes la ou je ne suis d’un commun accord/ n’ara ja paix/ mais du tort ou droit d’entre lesdiz princes supperieurs je me tais/ Car de ce determiner n’est mie mon office qui tous jours suis en doubte et non certaine/ mais de ce demander couvendroit a la tres clere resplandissant poissant deesse que tu veis enclose en chartre et emprisonnee & de qui fraude s’estudie a estoupper et clorre les voyes de sa lumiere sicomme a toy meismes fu apparant et de qui les menistres quoy que leur desplaise n’osent soubz peine d’estre batus tinter ne lever l’ueil/ mais de leurs descors fois je sourdre par toutes places nouveaulx debas entre leurs ministres et aderez et par toute la ville en deviser negativement l’un contre l’autre/ et meismes a de ceulx qui ne les cognoiscent en estranges terres en qui je me fiche diversement/ Si les fais entre batre souventes foiz/ et questionner mesmes de chose qui riens ne leur touche/ Disant l’un contre l’autre Tel seigneur a droit pour tel cause et pour tele/ L’autre replique que non/ et ainsi par non a/ si a/ si fu/ non fu/ je fais gent entre occire souventes foix meismes es tavernes souvent avient adont suis je forte quant il y a vin & plus je y abonde & fais mesler gens de la chappe a l’evesque/ ou des guerres de anthioche le quel a ou droit ou tort et ou le quel est plus sage/ ou le quel ne l’est mie/ Et ainsi je demonstre es humains leur ignorence de eulz debatre de ce de quoy riens ne scevent et ne leur appartient/ O quel folie en homme de qui le sens doit gouverner raison/ se fonder sans elle sur moy & jugier par moy certainement de chose non certaine et que ilz ignorent Que t’en diroie je fois vivre les gens par moy/ c’est a entendre disposer leurs fais selon ce que je leur conseille/ Et quant ilz pevent avenir a l’ordre de vivre que je leur fois desirer/ adont sont ilz contens de la chose que ilz vouloient/ mais je suis different en eulx/ Car je fais penser et cuider a l’un que bon lui soit/ une maniere de vivre/ et certaines choses que il appete lui sont bonnes/ que a un autre ycelles meismes ne plairoient point/ mais lui plairoient toutes contraires/ Et cestes differences viennent selon les condicions et aages des gens sicomme je suis autre es jones que je ne suis es vieulx/ et meismes es .ii. aages entre eulx suis je different/ Et pour ce que ainsi je differe suis je cause des debas du monde/ et chacun me cuide avoir en soy meilleur/ je fais sembler a un homme que avoir des flourins il n’est plus de joye Je fais sembler a un autre que avoir belles dames il n’est plus de bien/ aux uns juger que science est souveraine chose/ aux autres que chevalerie est meilleur et plus noble & ainsi des autres choses/ Et pour ce ne fu onq si parfaict pas jhesuscrist comme homme qui peut bien vivre ne estre agreable a l’oppinion de tous Toute foiz te dis je bien que vivre vertueusement & bien faire si emporte le plus des voix des gens.