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L'avision de Christine

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Responce de christine a l’ombre.

Adont comme mon entendement se apperceust par clere cognoissance qui estoit celle qui tant araisonnee m’avoit je dis ainsi.

¶ Ha dame oppinion poissant et forte voirement vous doy je mon bien cognoistre/ car tres m’enfance oz je vostre accointance/ Et certainement je cognois et confesse vostre auctorité estre de grant vigueur et poissance/ et quoy que vous soiez blasmee souventes foiz/ qui bien de vous use ne peut errer/ et mal/ pour cellui en qui vous n’estes saine/ mais puis que il vous a pleu de vostre grace tant m’onorer que a moy si clere evidemment vous estes magnifestee me racontant voz grans proprietez/ encore vous requier que ennuy ne vous soit de me declairier aucunes demandes Et elle a moy/ fille dis ce qu’il te plaist.

¶ Dame puis que il est ainsi que de vous vient la premiere invencion des oeuvres humaines bonnes ou malles/ rudes ou soubtilles selon la disposicion des entendemens comme dit avez/ plaise vous me certiffier se es choses par vous engendrees en moy lesquelles a mon povoir par le moyen d’estude & de tel science et entendement comme j’ay qui en mes compilacions et volumes sont declairees se en aucune chose y ay erré/ comme si sage ne soit qui aucune foiz ne erre/ Et elle a moy amie chiere soyes en paix car se ainsi estoit mieulx vouldroie tart que jamais les amender Car je te dis que non/ Tout t’ay je blasmee de ce que prerogative de honneur vols comme je ay dit devant donner a fortune et moy comme je soie princippe y oublias mais non pour tant faulte n’y a.

¶ Non obstant que par moy maint s’en debatent diversement Car les aucuns dient que clercs ou religieux les te forgent Et que de sentement de femme venir ne pourroient mais ce sont les ignorens qui ce dient/ Car ilz n’ont pas la cognoiscence des escriptures qui de tant de vaillans femmes sages et lettrees et mesmement prophetes qui ou temps passé ont esté font mencion/ Et comme nature ne soit amendrie de sa poissance/ ancore en peut estre/ les autres dient que ton stile est trop obscur/ et que on ne l’entent/ si n’est si delitable et ainsi diversement le fais aux uns louer & aux autres reprimer de loz/ comme chose quelconques estre a tous agreable soit impossible/ mais tant te dis que verité par le tesmoing de l’experience ne seuffre le blasme avoir effait sur le loz/ si te conseil que ton oeuvre tu continues comme elle soit juste Et ne te doubtes d’errer en moy/ Car tant que je seray en toy fondee sur loy/ raison & vray sentement tu ne mesprendras es fondacions de tes oeuvres/ es choses plus voir semblables non obstant de plusieurs les divers jugemens/ les uns par moy simplement/ les autres par envie/ Car je t’acertaine que quant elle et moy sommes ensemble adont se font les tres faulx jugemens ne il n’est si bon qui y soit espargné/ et adont suis je perilleuse quant envie me gouverne/ si faisons la personne avuglee es autruy choses et en son meismes fait qui en soy nous a si lui rongnons le cuer/ ne reposer ne la laissons/ et vouloir lui donnons de faire maint maulx qui accomplis sont aucune foiz/ & mal est gouverné cil qui chiet entre noz mains ja si bon ne sera ne si poissant.

¶ Ne veames nous jadis les portes de romme au preus julius cesar qui tant victorieux s’en retournoit/ & au dernier tant pourchaçames que il fu occis/ Assez de teles en avons faites/ ne il n’est si sage qui garder s’en sache/ Si t’ay assez narré de mes aventures et a tant souffise/ Car parce que je donne a croire a l’un que une chose est bonne et bien faite ou que elle est vraye/ & a l’autre tout le contraire/ dont sourdent bataille et maint debas/ la prolicité de mes narracions si racontees pourroit aux lisans a ennuy tourner/ Et si te prophetise que yceste lecture sera de plusieurs tesmoignee diversement les uns sur le lengage donront leur sentence en plusieurs manieres/ diront que il n’est pas bien elegant Les autres que la composicion des materes est estrange/ et ceulx qui l’entendront en diront bien/ et le temps avenir plus en sera parlé que a ton vivant/ Car tant te dis je ancore que tu es venue en mauvais temps Car les sciences ne sont pas a present en leur reputacion ains sont comme choses hors saison/ et que il soit vray/ tu en vois peu qui a celle cause soient en la maison de fortune sus haulciez.

¶ Mais apres ta mort vendra le prince plain de valour et sagece qui par la relacion de tes volumes desirera tes jours avoir esté de son temps et par grant desir souhaidera t’avoir veue Si me suis a toy descripte/ Or diffinis de moy ce que il t’en semble.

¶ Et moy a elle dame comme la descripcion de vous meismes/ m’en appreigne la diffinitive. Je dis que comme parfaictement/ ore vous cognoisce/ que vous voirement estes de ignorence fille adhesion a une partie en doubtant tous jours de l’autre/ Et de ce je m’avise ce que de vous dit aristote ou premier livre de posteres que cellui qui vous a doubté tous jours que autrement puist estre que ce que il pense/ comme vous soiés non certaine/ Et saint bernard dit aussi ou .v.e chapitre de consideracion que vous estes ambiguë et povez estre deceue/ Si dis et conclus que vous estes adhesion a une partie/ la quelle adhesion est causee de l’aparance de aucune raison prouvable soit que l’oppinant ait doubte de l’autre partie soit que non/ de vostre poissance je dis que pour l’ignorence qui est es hommes que par vous est plus le monde gouverné que par grant savoir.

Explicit la .ii.e partie du livre de l’avision christine.

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