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L'avision de Christine

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Dit christine comment elle se mist a l’estude.

Ainsi en cellui temps que naturellement estoit parvenu mon aage au degré de cognoissance regardant derriere moy les aventures passees & devant moy la fin de toutes choses Tout ainsi comme un homme qui a passé perilleuse voye se retourne arriere regardant le pas par merveille et dit que plus n’y entrera/ et que a meilleur se tendra/ ainsi considerant le monde tout plain de las perilleux/ & que il n’est fors pour toute fin un seul bien qui est la voye de verité me tiray au chemin ou propre nature et constellacion m’encline/ c’est a savoir amour d’estude/ adonc clouy mes portes/ c’est a savoir mes sens que plus ne fussent tant vagues aux choses foraines/ et vous happay ces beaulx livres et volumes/ et dis que aucune chose recouvreroye de mes pertes passees/ ne me pris pas comme presomptueuse aux parfondesses des sciences obscures es termes que ne sceusse comprendre/ Sicomme dit Caton/ lire et non entendre/ n’est mie lire ains comme l’enfant que au premier on met a l’a.b.c.d. me pris aux histoires anciennes des commencement du monde/ les histoires des ebrieux/ des assiriens et des principes des seignouries procedant de l’une en l’autre dessendant aux rommains des françois des bretons & autres plusieurs historiographes/ apres aux deducions des sciences selon ce que en l’espace du temps que y estudiay j’en pos comprendre.

¶ Puis me pris aux livres des poetes Et comme de plus en plus alast croiscent le bien de ma cognoissance/ adont fus je aise quant j’oz trouvé le stile a moy naturel me delittant en leurs soubtilles couvertures et belles matieres muciees soubz fictions delitables et morales/ et le bel stile de leur metres et proses deduites par belle et pollie rethorique aournee de soubtil lengage et proverbes estranges/ pour la quelle science de poaisie nature en moy resjouye/ me dist fille soulasse toy quant tu as attaint en effait le desir que je te donne & ainsi continuant et vaquant tous jours a l’estude comprenant les sentences de mieulx en mieulx.

¶ Ne souffist pas a tant a mon sentement & engin/ ains volt que par l’engendrement d’estude et des choses veues nasquissent de moy nouvelles lectures/ adont me dist prens les outilz et fiers sur l’enclume/ La matere que je te bailleray si durable que fer ne feu ne autre chose ne la pourra despecer si forges choses delitables/ & ou temps que tu portoies les enfans en ton ventre grant douleur a l’enfanter sentoies/ Or vueil que de toy naiscent nouveaulx volumes/ lesquieulx les temps avenir perpetuellement au monde presenteront ta memoire devant les princes et par l’univers en toutes places lesquieulx en joye et delit tu enfanteras de ta memoire/ non obstant le labour et traveil le quel tout ainsi comme la femme qui a enfanté si tost que ot le cry de l’enfant oublie son mal/ oublieras le traveil du labour oyant la voix de tes volumes.

¶ Adont me pris a forger choses jolies a mon commencement plus legieres/ & tout ainsi comme l’ouvrier qui de plus en plus en son oeuvre s’asoubtille comme plus il la frequente/ ainsi tous jours estudiant diverses matieres mon sens de plus en plus s’imbuoit de choses estranges amendant mon stile en plus grant soubtilleté et plus haulte matiere depuis l’an .M.CCC.iiii.xx & .xix. que je commençay jusques a cestui .CCCC. & cinq/ ou quel ancore je ne cesse/ compilles en ce tandis quinze volumes principaulx sanz les autres particuliers petis dictiez lesquieulx tous ensemble contiennent environ .lxx. quayers de grant volume comme l’experience en est magnifeste Et comme grant louange pour ce n’y affiere/ Car pou y a soubtilleté/ par ventance dieux scet que ne le dis mais pour continuer l’ordre de mes bonnes et mauvaises aventures.

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