L'avision de Christine
Se plaint christine de jeunece.
Ha folle jonece avuglee et variable non cognoissant les prouffitables & bonnes choses qui ne te delites fors en choses vaines/ oyseuses et de nulle vertu/ ne ailleurs appliquer ne te querroies Et certes voirement qui par toy se gouverne suit la voye de perdicion et se avugle en sa meismes cognoissance/ Tant haÿr te dois quant ou temps que je estoie a meimes les .ii. beaulz conduis de philosophie/ costé si haultes fontaines tant cleres et saines Et moy comme fole jone trop mignote/ non obstant que les beaulx ruisseaulx me pleussent ne m’en emplissoie/ mais tout ainsi comme le fol qui voit luire le cler souleil ne s’avise de la pluye ains cuide que tous jours lui dure/ n’en faisoie compte et a temps cuidoie recouvrer a ce que je perdoie Ha fortune quel tresor tu me tolis/ Tant fis grant dommage a mon entendement qui ne les me laissas durer jusques en l’aage de plus grant cognoissance/ bien t’a herdis a nuire meismes a la proprieté de mon ame/ car se ores avoie costé moy tel clarté au desir que j’ay/ sustraite de toutes autres occupacions et delis comme de choses vaines donnee entierement a l’estude/ telement et si largement me empliroie que femme nee puis lonc temps ne m’en passa/ helas quant je avoie costé moy les maistres de science/ conte d’apprendre ne faisoie/ Et ores est le temps venu que mon engin et sentement m’en die en desirant ce que par faulte de apprendre ne peut avoir/ c’est a savoir l’art de toy philosophie m’amie science. Ha doulce savoureuse chose et emmellee qui tous autres tresors en valeur precedes comme souveraine/ tant sont eureux ceulx qui a plain t’a saveurent/ Et toutevoie comme de ce je ne puisse juger fors a l’aventure sicomme de chose que a plain je ne cognoisce/ neant moins m’en donne la cognoissance le tres delitable goust & saveur que je treuve seulement es petites deppendances et parties de sciences comme plus hault je ne puisse attaindre me fait presumer ou bien de elle a ceulx qui l’aiment/ & la saveurent et sentent souverain delit/ Ha enfans et jones se vous saviés le bien qui est ou goust de savoir et le mal et laidure qui gist en ignorence comment se bien avisié estiez petit plaindriés la peine et labour de apprendre/ ne dit aristote que naturellement l’omme savant seignourist l’ignorent sicomme nous veons l’ame seignourir le corps Et quel chose est plus belle que savoir/ & quel chose est plus laide que ignorence messeant a homme sicomme une foiz respondis a un homme qui remprouvoit mon desir de savoir disant que il n’appartient a femme avoir science comme il en soit pou Lui dis que moins appartient a homme avoir ignorence comme il en soit beau coup.