L'avision de Christine
Conclut christine sa complainte a philosophie.
Or t’ay je dit tres reverend maistresse les motifs et causes de mes ennuys passez/ et non pas tous/ car dieux scet que en grant quantité de autres maulx & ennuys ay passé le temps que anuyeuses et longues seroient a dire/ et la perseverence de yceulx qui dure encore/ ne de la fin je ne voy signe.
¶ Du temps present comment il m’est te dis que non obstant supplicacions & requestes que par force de divers survenus affaires & partes en la maniere dessus dicte par les floz infortunez souvent courans sur moy que j’ay aux princes françois qui ancor vivent baillees/ mainte foiz requerant leur secours/ non pas les adjurant par mes merites/ mais suppliant par l’ancienne amour qui tira mon dit pere par de ça leur serviteur et par ses bien fais a moy delaissiee et hors de son lieu a son petit maisnage voulsissent secourir/ mais que je ne mente ne soie ingrate/ le secours de aucun d’eulx comme il m’ait assez esté tardif presenté par assignacion non de grans choses/ ancore la longueur de la paye/ & ennuyeuse poursuite de leurs tresoriers auques estaint la value de la grace et merite du bien fait/ O chere dame que cuides tu quel peine/ c’est a femme de ma faculté abstrate assez/ et pou chalant des aluchemens de couvoitise convenir contre ma naturel condicion non moult curable ne ardant sur les desirs de peccune/ mais par neccessité contrainte de grans charges poursuivre a grant train ces gens de finance pourmenee de jour en jour de leurs belles parolles/ Et ainsi va au jour de huy a l’estat de mon vesve colliege/ dame honoree a qui riens n’est occult Et tu meismes qui scez que petit me chault des amas & assemblees de tresors ne de croiscence d’estat fors soustenir cellui venu de mes devanciers comme folle ancore de en curer/ recognoissant que tout est vent chose mondaine/ ne que mes pensees ne sont es desirs de superflus paremens ne delicatifs vivres me soies tesmoing que seulement l’amour & charge agreable que je ay de ma bonne mere en viellece sur les bras de sa seule fille qui n’est oublieuse des grans materneulx benefices d’elle receus/ voluntaire du meriter comme droit est me rent perplexe et adoulee quant fortune ne seuffre a ma voulenté sortir son bon effaict & que femme de si parfaict honnour et si noble vie et bel estat comme est et a tous jours esté/ celle ne soit tenue et ordenee selon son droit/ avec les autres charges de povres parentes a marier & autres amis & ne voie de nulle part fortune propice pour mon secours.
¶ Encore au propos des pointures de mes dolentes pensees avec mes autres anuys/ cuides tu que devant la face de fortune ne me repute peu eureuse/ quant si voy ses autres accompaignez de leurs lignages freres et parens d’estat & aisiez/ eulx resjouyr ensemble/ et je pense que je suis hors des miens en estrange lieu/ & mesmement .ii. freres germains que j’ay sages preudes hommes & de belle vie/ que il a couvenu que par ce que de ça n’estoient pourveus que ilz soient alez vivre ou pays de la sus les heritages venus du pere/ et moy qui suis tendre & a mes amis naturelle/ me plains a dieu quant je voy la mere sans ses fieulx que elle desire/ & moy sanz mes freres/ Et ainsi peus tu veoir chere maistrece que tout au contraire de mes desirs m’a fortune servie qui ancores persevere en ses malefices.
¶ Et que de ces choses dis voir dieu qui proprement est toy & toy qui proprement est lui le savez. Si reviens a ce que devant est dit que comme fortune m’a contraire ades continue par tieulx molestes qui ne sont a cuer femenin & foible pas petites plus me grieve l’empeschement que a l’estude par ses occupacions me fait qui mainte foiz troublent si ma fantasie que ne peut vaquer l’entendement au bien qui lui delite/ tant est ofusqué par ses dures pointures/ que ne fait le fait du mal que j’en seuffre.