L'avision de Christine
Encore de ce mesmes.
Or trayons au terme de nostre oeuvre au quel te desir a l’utilité de ton sens conduire c’est a savoir a la conclusion de la vraye felicité/ ou tu dois tendre comme nous ayons assez monstré par maint dignes preuves que sont faulces felicitez combien que la cure des choses morteles s’i traye/ n’est mie celle/ ains est celle qui a en soy bien parfaict & qui la plus ne peut desirer/ c’est dieu comme dit est/ car on ne peut penser riens meilleur de lui/ il couvient dont que son bien soit parfaict/ Car autrement ce dit boece/ et il est vray ne seroit il pas prince des autres biens/ Si avons dit ce dit boece & aussi nous l’acordons que felicité est souverain bien/ et tu vois que homme est beneureux quant il a felicité/ & felicité si est dieu/ dont est homme dieu quant il a felicité ainsi comme ceulx qui ont droiture sont droituriers/ & ceulx qui ont sapience sont sages Et ainsi ceulx qui ont divinité sont dieux/ & cil qui a felicité est dieu dont tous beneurez sont dieux/ mais par nature il n’est que un dieu et par participacion il en est moult/ Et ces parolles sont le propre texte du dit livre de boece en consolacion/ Or avons trouvee celle benoite felicité que desirer devons/ mais que ferons nous de celle felicité nous promet elle riens.
¶ Viengne saint gregoire en son omelie et le nous die/ veez le cy/ se nous considerions bien quelles et comment grans choses nous sont promises es cieulx/ nous reputeriens villes toutes les choses que nous pourriens avoir en terre/ Car toute la substance terrienne comparee a la souveraine felicité nous est plus a charge que a ayde/ la vie temporelle comparee a la vie eternelle est plus mort que vie/ Car le deffault de nostre cotidiane corrupcion n’est mais que une prolixité de mort Mais qui est ce qui peut raconter ne entendement comprendre com grandes sont les joyes de celle souveraine cité/ estre tous jours present es compaignies des anges avec les benois esperis/ estre assistant a la gloire de nostre conditeur/ veoir le visage de dieu & la benoite trinité face a face/ regarder sa lumiere incomprehensible/ n’avoir jamais paour de la mort/ & soy esjouir du don de perpetuité.
¶ De celle benoite trinité un petit parlons pour plus grant efficace selon les diz des sains docteurs/ et en elle vueil que soit terminee ton oeuvre qui te doint grace que ainsi soit a la fin ta vie/ Mais comment oseras tu entrer a la mediter toy povre miserable creature.
¶ Car dit saint augustin ou livre de la trinité que tout l’ost de pensee humaine n’est pas assez fort pour soy ficher en celle excellente lumiere pardurable se elle n’est bien purgee par justice de foy. Mais que plus soubtilment je t’en declarasse n’est neccessité.
¶ Car dit saint augustin ou sus dit livre que l’en ne peut plus perilleusement ailleurs errer ne l’en ne peut riens plus laborieusement querir/ ne l’en ne peut riens plus prouffitablement trouver que la benoite trinité du pere du filz et du saint esperit en unité de essence divine.
¶ Mais de ce dit il lui mesmes ou livre des paraboles de nostre seigneur parlant contre arrian/ nous veons dist il le souleil ou ciel courant luisant et chault/ aussi/ ces .iii. choses a le feu mouvement lueur et chaleur/ Se tu peus donques dist il faulx arrian devise l’une qualité de l’autre ou souleil/ ou ou feu/ Et puis si devise la trinité/ Et pour ce comme dit saint bernard en un sermon Trop enquerir de la benoite trinité c’est perverse curiosité/ fermement croire et tenir de la trinité ainsi que tient l’eglise et la foy catholique/ c’est seureté.
¶ Il est ce dit ancore saint augustin en un sermon plusieurs trinité/ c’est a savoir la trinité qui nous a fait/ la trinité qui nous deffait/ la trinité qui nous refait/ la trinité qui nous a fait/ c’est la trinité pardurable/ le pere/ le filz et le saint esperit. La trinité qui nous deffait c’est une trinité miserable Quelle est elle/ c’est non puissance/ ignorence/ et concupiscence/ et par ceste trinité miserable est deffaite nostre trinité raisonnable C’est a savoir memoire entendement et voulenté Car quant nostre ame se dechiet de la trinité pardurable/ la memoire chiet en non puissance l’entendement en ignorence la voulenté en concupiscence/ la trinité qui nous reffait/ c’est une trinité prouffitable/ foy/ esperance/ charité/ foy des articles des commandemens & des sacremens/ esperance de pardon de grace et de gloire/ Charité de pur cuer de bonne conscience & de foy non pas fainte.
¶ Mais veoir la benoite trinité ainsi que elle est c’est la vraye felicité seule & souveraine/ et non autre ou doit estre le terme et fin du desir de toute humaine creature/ a la quelle felicité te vueille conduire celle benoite trinité un seul dieu regnant ou siecle des siecles amen.