Notes de route : $b Maroc—Algérie—Tunisie
Arrivée à Beni-Ounif
La Zousfana, un pont de fer peint en gris, très laid et très dépaysé dans le décor d’alfa, de roseaux et de lauriers-roses.
L’oued roule une eau trouble et rougeâtre sur des galets blancs, avec, au milieu du courant, le mince filet pur de quelque source voisine.
La Zousfana qui, avec son confluent, venant de l’Ouest, le Guir, forme à Igli l’oued Saoura, ne se dessèche jamais. Ses bords verdissent en plein été, autour du petit bordj gardé par des tirailleurs, et des masures qui servent de gare.
L’air est ici humide et chaud, avec une buée blanche qui voile les lointains.
Après, voici, à gauche, la grande plaine de Djenan-ed-Dar : un horizon rouge, net, avec, très loin, la silhouette du Djebel-Sidi-Moumène, terrasse carrée, géométrique, qui se dresse vers le Sud. Nous entrons dans la vallée pulvérulente de Beni-Ounif, formée de collines arides, qui s’écartent, vers l’Ouest, sur un horizon incandescent.
Qu’il est dissemblable, ce pays de poussière et de pierre, des régions aimées du Sud-Est, du grand Erg immaculé, des dunes pures et irisées du Souf, et des chotts immenses, et des palmeraies mystérieuses de l’Oued-Rir’h salé !
… A droite, c’est Figuig, dans son cirque de hautes montagnes aux lignes harmonieuses… Nous ne voyons toujours que les palmeraies : sur un fond neutre, d’une couleur indéfinissable mais ardente, le mouchetage noir des dattiers.
… Enfin, voici Beni-Ounif, la petite gare, avec la poignante mélancolie des rails qui s’arrêtent brusquement en face de l’immensité.
Vers la droite, la redoute basse, toute blanche, délabrée.
Et au delà, en face de la puissante coulée verte, du col de Zenaga, aux lignes sobres et nettes d’un violet profond, encadrant l’envahissement des palmiers, c’est, sur une pente douce, le vieux ksar de Beni-Ounif, amas charmant de ruines en or pâle, en chamois ardent dans le velours sombre de la palmeraie.