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La Vie d'un Simple (Mémoires d'un Métayer)

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XLI

Charles avait perdu au service ses façons bizarres; il était à présent plutôt gentil et serviable, et il s'exprimait bien mieux que nous. Les premiers temps, il riait même de ce que nous causions trop mal.

—Au fond, c'est bête de parler ainsi. Dès qu'on est en présence d'étrangers, on se trouve gêné; on se tait, ou l'on dit des bourdes qui les font se ficher de nous… Je ne vois pas que ce soit une raison, parce qu'on est paysan, de s'exprimer en dépit du bon sens…

Alors, la Rosalie:

—Ce serait drôle si nous nous mettions à causer comme la dame du château… On se ferait vite remarquer; tout le monde dirait: «Entendez ceux-là, comme ils cherchent à faire des embarras!»

—Les seuls imbéciles diraient ça, et l'on devrait mépriser leurs appréciations… Au fait, je ne demande pas qu'on adopte le genre de Mme Lavallée; je voudrais seulement qu'on écorche moins les mots, qu'on ne dise plus, par exemple, ol, pour il—nout', pour notre—soué, pour lui—bounne, pour bonne—ch'tit, pour chétif ou mauvais, et ainsi de suite.

Opinion sans doute fort raisonnable. Mais Charles, loin de nous habituer à changer de langage, en arriva peu à peu, au contraire, à reprendre quasi entièrement son parler d'autrefois.

Il est difficile d'aller à rencontre des habitudes de son pays, de son milieu; l'essayer est même s'exposer à de gros ennuis.

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