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La Vie d'un Simple (Mémoires d'un Métayer)

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V

Mon parrain s'étant fait l'entorse, mon frère Louis devait le suppléer pour le pansage; ma sœur Catherine, d'autre part, était très enrhumée. C'est ainsi qu'on en arriva à me désigner pour cette foire—ce qui ne me fit pas déplaisir, bien au contraire. Depuis que nous étions au Garibier, je n'avais jamais revu cette ville de Bourbon dont il ne me restait qu'un souvenir assez confus: c'était une fête que d'y retourner!

Combien dur cependant de sortir du lit à trois heures! Ma mère m'attifa tout sommeillant et voulut me faire manger la soupe. Mais non! du sable toujours me brouillait les yeux; ma tête trop lourde s'inclinait sur mon épaule ou s'appuyait sur la table.

Prévoyant qu'avant peu je regretterais ma somnolence du matin, la bonne femme bourra mes poches d'un morceau de pain et de quelques pommes:

—Pour quand tu auras faim, petit!

Elle m'enveloppa le cou dans un gros cache-nez de laine et me couvrit les épaules d'un vieux châle gris effrangé.

—Ça me fait de la peine de te voir partir par un temps pareil; tu vas avoir bien froid, mon pauvre Tiennon!

Elle me montrait, ce matin-là, une tendresse inaccoutumée; une douceur attristée passait dans son regard et dans sa voix; j'eus conscience de son amour de mère que sa dureté habituelle dissimulait trop.

A quatre heures, elle nous aida à démarrer hors de la cour les nourrains étonnés,—puis s'en retourna, nous ayant souhaité bonne vente… Et ce fut pour mon père et moi, dans le grand gel de cette fin de nuit, le long trajet par les chemins pétrifiés, biscornus qui se passa, somme toute, sans trop d'ennui ni de souffrance.


Un peu après sept heures, nous voici installés au champ de foire, en bonne place, le long d'un mur. Mon père tire d'un petit sac de toile bise, apporté exprès, des poignées de seigle, qu'il jette aux cochons pour leur faire prendre patience. Bientôt, néanmoins, ils se mettent à grogner à cause du froid; leurs poils se hérissent; il devient difficile de les faire tenir en place…

Moi aussi, j'ai bien froid! Succédant à l'activité de la marche, le calme de ce foirail est vraiment cruel; les frissons me gagnent; mes dents claquent; mes pieds s'engourdissent, si douloureux! Puis, j'ai l'estomac qui crie famine. Mais mes pauvres mains sont tellement raidies qu'il me faut les réchauffer à la chaleur de mon corps avant que de pouvoir sortir de ma poche les provisions…

Mon père a de la peine à s'en tirer, lui aussi. Il bat la semelle constamment, se frotte les mains avec rage ou bien, avec de grands mouvements de bras, fait le geste de s'étreindre.

Cependant la foire allait son train, assez peu importante d'ailleurs, si bien que les habitués disaient: «C'est une foire morte!» Autour de nous, d'autres cochons—nourrains et petits laitons blancs—grognaient d'avoir trop froid, comme les nôtres. Plus loin, les «cent Bilos» protégés par leur graisse digéraient, affalés sur le sol durci, ou se levaient avec une plainte encolérée quand un marchand les frappait de son fouet pour les examiner. A l'autre extrémité de l'enclos, les moutons paraissaient malheureux et malades sous le givre qui recouvrait leur toison. On ne voyait pas les bovins assemblés dans une autre partie du champ de foire qu'un mur séparait de celle où nous étions, mais on entendait leurs beuglements ennuyés et plaintifs.

Les paysans, en sabots de bois, pantalons d'étoffe bleue, grosses blouses et casquettes, grelottaient de compagnie et se livraient, comme mon père, à des mimiques diverses pour vaincre le froid. En dehors de ceux-là, quelques gros fermiers en peaux de chèvre et quelques marchands en longs cabans gris ou bleus circulaient sans relâche, ayant hâte de terminer leurs affaires pour aller déjeuner dans quelque salle d'auberge bien chauffée. Les oisifs, ceux qui vont aux foires pour tuer le temps, étaient prudemment restés chez eux.

M. Fauconnet, notre maître, apparaît par intermittence… C'est un homme d'une quarantaine d'années, aux larges épaules, à la figure rasée, un peu grimaçante; de bonne humeur, il sourit volontiers d'un sourire bénin, sans franchise; mais quand quelque chose lui déplaît, son visage se plisse et devient dur. Il est furieux aujourd'hui à cause de la nécessité de vendre à bas prix si l'on veut vendre. Il bougonne parce que trois de nos cochons sont trop inférieurs, disant qu'on aurait mieux fait de les laisser à la maison, que la bande se trouve dépareillée de leur présence.

J'ai toujours froid et commence à trouver le temps long. Mon père me propose bien d'aller faire une tournée en ville, mais je crains de m'égarer—et tous ces gens inconnus qui circulent m'effraient un peu…

Plusieurs tentatives de vente ayant échoué, nous nous disposons à repartir, lorsque, sur les dix heures, M. Fauconnet revient en compagnie d'un marchand très loquace; ils arrivent à s'entendre—sauf pourtant pour les trois petits que le maître veut nous faire ramener pour qu'ils «profitent» davantage, se souciant peu des peines qui en résulteront pour nous.

Deux grandes heures d'attente sur la route de Moulins où nous devons opérer livraison des cochons vendus. Station longue et sans charme, malgré le froid moins rude en ce milieu du jour. Le moment venu, des gens de bonne volonté, qui attendaient comme nous pour livrer leurs bêtes, nous aident à effectuer le triage de nos «rebuts».

Après la solde des autres—en pièces d'or que mon père a la précaution de faire sonner une à une sur la chaussée humide—nous retraversons la ville, prenant à côté de la rivière de Burge une rue montueuse et grossièrement pavée qui débouche dans le haut quartier, sur la place de l'Église:—c'est de là que partait le chemin de Meillers.


Sur cette place de l'Église, au carrefour de la route d'Autry, mon père me laisse seul pour aller remettre de suite, selon l'usage, à M. Fauconnet l'argent de la vente. J'étais bien un peu inquiet de le voir partir; mais il m'avait promis de n'être pas longtemps et de rapporter du pain blanc et du chocolat pour mon goûter; de plus, il voulait demander à M. Vernier, un fermier de Meillers qu'il comptait rencontrer chez notre maître, de me ramener en croupe sur son cheval.

Je jette aux trois gorets le grain qui reste au fond du sachet de toile. Ils s'y intéressent peu et ne tardent pas à me causer du désagrément. L'un se sauve dans le chemin de Meillers qu'il reconnaît sans nul doute, tandis qu'un autre redescend en courant vers la ville. Fort à propos, un homme qui s'en retournait de la foire me vient en aide pour les rassembler. Ils sont tranquilles un moment, pas longtemps. Bientôt les voici repris à courir de côté et d'autre en grognant, et j'ai mille peines à ne pas les échapper. Aux rares instants où ils sont sages, je porte mes regards sur l'entrée de la ruelle par où mon père s'en est allé, avec l'espoir toujours déçu de le voir réapparaître. Et, de plus en plus, l'ennui, le froid, la faim me torturent…


Il y avait longtemps, longtemps que j'étais là, quand j'entendis sonner trois heures à l'horloge municipale—tour de la Sainte-Chapelle. Cette tour et les trois autres, plus éloignées, qui sont les derniers vestiges de l'ancien château, patinées par les siècles, apparaissaient plus sombres encore sous le ciel gris, noyées et presque indistinctes dans la grande brume du soir givreux. Au-dessous, la ville silencieuse, invisible presque, semblait anéantie par l'effet d'une mystérieuse catastrophe.

Et cette place, avec ses arbres squelettiques, ses arbustes buissonneux chargés de paillettes blanches, son carré de gazon nu qui craquait sous les pas, son bassin rectangulaire dont les glissades des gamins avaient meurtri la glace terne, cadrait assez avec la tristesse générale. Au fond l'église, aux massives portes fermées, paraissait hostile à la prière et à l'espoir. A droite, dans un jardin aux murs élevés, un petit château tout neuf flanqué de deux tours carrées prenait dans la grisaille un air rébarbatif et hargneux de prison. En bordure du chemin de Meillers, face à l'église, une belle maison à un étage montrait une façade inquiétante de par l'assaut de vilains reptiles noirs—rosiers et glycines—bien jolis sans doute à la belle saison. Des chaumières basses accolées, et précédées d'une ligne uniforme d'étroits jardinets, contrastaient avec ces immeubles cossus. Maisons de pauvres:—journaliers, vieillards ou veuves,—moins une, vers le milieu, dont le locataire était savetier, ainsi que l'attestait la grosse botte suspendue au-dessus de la porte. Côté de la ville, la maison d'angle de la rue pavée servait à la fois d'épicerie et d'auberge; des pains de savon s'apercevaient derrière les vitres de l'imposte; une branche de genévrier se balançait au mur.

Comme l'église, toutes ces habitations restaient closes; elles contenaient sans doute des foyers flambants, des poêles chauds auprès desquels les gens pouvaient se rire de l'hostilité du dehors. L'hostilité du dehors, j'étais tout seul à en souffrir avec mes trois cochons…

Voici s'ouvrir la grille qui accède au jardin du château; deux prêtres en sortent qui s'inclinent profondément devant la dame encapuchonnée qui les a accompagnés jusque-là. Ils me jettent en passant un regard indifférent et pénètrent dans la maison aux reptiles noirs,—le presbytère sans doute.

La porte d'une des chaumières crie sur ses gonds. Une grande femme ébouriffée paraît dans l'embrasure, jette dans son jardinet l'eau d'une casserole. Son gamin, de mon âge à peu près, profite de cet instant pour s'esquiver et se mettre à patiner sur le bassin. Après cinq ou six glissades, il va cogner à la porte du cordonnier en criant par trois fois le nom d'André. Cet André, plus petit, finit par apparaître, et tous les deux glissent un long moment de compagnie, tantôt debout et se suivant, tantôt accroupis et se tenant par la main. Mais la grande femme ébouriffée, ayant ouvert sa porte à nouveau, leur enjoint de rentrer d'un ton qui les détermine à ne pas se le faire répéter. Et me voici seul encore sur la place.

De loin en loin, des cultivateurs passaient; ils s'en allaient marchant vite, ayant hâte de regagner leur logis. Et s'en allaient aussi quelques fermiers à cheval, emmitouflés dans leurs manteaux et leurs cache-nez. L'un d'eux, qui avait un gros cheval blanc, s'arrête en m'apercevant:

—D'où donc es-tu, mon p'tit gas?

—De Meillers, M'sieu, fis-je en balbutiant, les dents claquantes.

—Tu n'es pas le petit Bertin, du Garibier?

—Si, M'sieu.

—Et ton père n'est pas venu te rejoindre?

—Non, M'sieu.

—Voilà qui est fort, par exemple!… Il se sera mis en noce, pardi!… Eh bien, mon garçon, je devais te ramener; mais dans ces conditions, rien à faire; tu ne peux pas laisser tes cochons… Donne-toi du mouvement, surtout, ne te laisse pas engourdir!

Après ces judicieux conseils, M. Vernier éperonne son cheval, disparaît bientôt dans le brouillard. Et je reste navré de ce qu'il m'a dit au sujet de mon père:

Voilà qui est fort, par exemple!… Il se sera mis en noce…

Cette chose, à laquelle je n'avais pas encore pensé, me semblait maintenant très vraisemblable. Mon père, lorsqu'il allait à la messe, à Meillers, rentrait d'habitude tout de suite après. Mais, les jours de foire, il lui arrivait d'être moins sage et souvent j'étais couché avant son retour. Au lendemain, maussade, ma mère le disputait, tout en le plaignant d'avoir la tête trop faible, pas assez d'énergie pour résister aux entraînements de hasard…


Dès quatre heures, la nuit vint: elle tombait du grand ciel bas et noir; elle montait de la brume flottant au-dessus du sol et soudain épaissie. Je tremble de froid, de faim et de peur. N'ayant rien mangé de la journée que mon croûton dur et mes pommes, je me sens défaillir. Des grondements remuent mes entrailles; des voiles sombres me brouillent les yeux; le faible poids de mon corps pèse lourdement sur mes jambes molles. Un regret me vient de ne pas m'être plus tôt hasardé à partir seul, bien que le chemin ne me fût guère familier. Mais à présent que s'enténébrait la campagne, j'aurais préféré geler sur place que de me mettre en route. Les cochons, comme moi fatigués, dorment au fond du fossé; j'en profite pour m'asseoir auprès d'eux, refoulant mon chagrin.

Cinq heures: c'est la nuit tout à fait. Une voiture de bohémiens s'éloigne de la ville par le chemin de chez nous. Deux hommes encadrent le malheureux cheval qu'ils frappent à grand coups de bâton. Derrière, trois adolescents aux loques dépenaillées baragouinent en une langue inconnue. Cependant que de l'intérieur du véhicule s'élevaient des lamentations, des cris d'enfants battus, des voix de mégères exaspérées. J'avais entendu dire que ces gens à réputation équivoque volaient des enfants pour les torturer, en faire des mendigots exciteurs de pitié. Et mon sang de se glacer davantage, et mon cœur de se mettre à battre plus que de raison! Mais le groupe défila sans paraître me voir.

Ils ne me virent pas non plus, les deux couples d'amoureux qui suivirent. Ils s'en venaient sans doute de danser dans quelque auberge. Les filles avaient mis leurs capes de travers en leur grande hâte de partir, vu l'heure tardive; les garçons les serraient par la taille en une étreinte que le froid rendait bien excusable.

Le sacristain sonna l'Angelus du soir. Le presbytère, les chaumines ayant clos leurs volets ne laissaient entrevoir que de minces filets de lumière. Il gelait ferme; la brume se dissipait en partie, et c'était maintenant comme un vague crépuscule qui faisait mystérieux et bizarres les objets environnants. Je souffrais moins, mais des voiles sombres brouillaient mes yeux plus fréquemment, et dans mes oreilles tintaient des sons de cloches, comme si l'Angelus eût sonné sans fin…

Les cochons éveillés me donnaient à présent bien du mal à garder—et le froid cependant me gagnait les os…

Des jeunes gens, en un groupe bruyant, montaient de la ville.

L'un, très grand, marchait en tête, faisant des moulinets avec son bâton; bras dessus, bras dessous, trois autres suivaient, titubant et se bousculant; les deux derniers qui s'étaient attardés à allumer leurs pipes gambadaient à dix mètres. Celui d'en avant chantait d'une voix forte, brusque et saccadée, un refrain d'ivrogne:

A boire, à boire, à boire,
Nous quitt'rons-nous sans boire?

Interrogation à laquelle les trois du milieu répondirent par un «Non!» formidable. Et tous reprirent, chacun sur un ton différent, avec des gestes drôles:

Les gas d'Bourbon sont pas si fous
De se quitter sans boire un coup!

Ce dernier mot dégénérait au «bis» en un «Ouou» prolongé qui battait son plein quand ils me dépassèrent—sans soupçonner ma présence dans l'ombre noire du grand mur, au plus creux du fossé.

Quel bon parfum de cuisine m'arrive du château, une délicieuse odeur de viande en train de cuire dans le beurre grésillant! Cela réveille les facultés de mon estomac vide. J'ai envie de franchir le mur, de crier, de hurler ma misère et ma faim, de demander une toute petite part de ces bonnes choses. Pour échapper à la tentation je me rapproche du presbytère. Mais là aussi je perçois un bruit de cuillers et un parfum de soupe qui, pour être moins pénétrant que celui venu de l'orgueilleuse bâtisse neuve, ne m'en paraît pas moins suave. Eh oui, partout dans les maisons chaudes, c'était le repas du soir… Ils dînaient, les bourgeois et les prêtres, et aussi les petites gens des chaumières dont la soupe, pour être sans odeur, devait quand même être si douce à l'estomac!

Seul restait sur le chemin, sous le givre et le gel, un petit paysan attifé d'un châle gris qui gardait trois cochons rebutés;—un petit paysan morfondu par une faction solitaire de cinq heures et qui n'avait mangé dans toute la journée qu'un morceau de pain et trois pommes;—et ce petit paysan, c'était moi! Ils m'avaient tous vu, ceux du château et ceux du presbytère, et les ménagères des chaumines, et leurs petits qui étaient de mon âge; ils m'avaient tous vu, mais sans daigner me faire l'aumône d'une parole de sympathie, sans supposer que je pouvais souffrir… Et pas un n'avait la pensée de venir voir si j'étais encore là dans la nuit.

Sept heures sonnent à la Sainte-Chapelle; je compte tristement les coups de timbre frappant l'airain qui, dans le silence de ce nocturne cadre d'hiver, me semblent lugubres comme un glas… Accroupi dans le fossé, je sens mes yeux se fermer, une invincible somnolence m'envahir. Mes sensations s'atténuent et ma pensée… Quelques souvenirs pourtant hantent mon cerveau quasi mort. Ils se rapportent à ceux de chez nous, y compris le chien Médor, à la forêt, à la Breure,—aux lieux et aux êtres qui ont tenu une place dans ma vie d'enfant et qu'il me semble avoir quittés depuis si longtemps… Cela ne me donne ni regret ni attendrissement; cela tient plutôt du rêve. Je ne suis pas bien certain d'avoir vécu cette vie passée; j'ai la conviction que je ne la vivrai plus. Je glisse vers la mort et suis sans force et sans volonté pour résister à l'engourdissement final…


Et voilà que je fus tiré de ma torpeur par un bruit de pas connus. M'étant frotté les yeux, je vis mon père qui arrivait, toussant, crachant, marchant un peu de travers;—mais réellement c'était lui! J'oubliai d'un coup, dans le grand bonheur de le retrouver, tout le long martyre de cette journée et je fus me jeter dans ses bras. Il parut d'abord étonné de ma présence ici. Puis le souvenir lui revint, et il m'étreignit en un débordant enthousiasme d'amour paternel, selon l'habitude chère aux ivrognes d'exagérer leurs impressions. Il pleura, mon pauvre père, de m'avoir laissé si longtemps seul. Il voulait absolument aller faire l'emplette de quelques provisions, mais je me contentai du croûton de pain, reste de son déjeuner d'auberge, qu'il retrouva au fond de sa poche. Puisqu'il était là, lui, mon protecteur et mon guide, je ne craignais plus rien et me sentais le courage de marcher jusque chez nous, l'estomac vide.

Le retour fut long, silencieux, pénible. Mes yeux se fermaient, et mon père, dont je ne lâchais pas la main, me traînait presque. Il avait à fouailler toujours les cochons qui lambinaient. Un moment il dut s'arrêter, s'accoter, le front dans la main, à une clôture de pierres sèches. Des hoquets de plus en plus rapprochés le secouèrent; il devait souffrir atrocement… Il finit par vomir et put repartir un peu soulagé.


Onze heures passé quand nous fûmes rendus. J'entrai de suite à la maison, laissant mon père s'occuper des cochons.

Au coin de l'âtre où s'éteignaient les dernières braises, maman veillait toujours en tricotant. Toute la soirée elle avait prêté l'oreille aux bruits du dehors, sentant grandir son inquiétude à mesure qu'avançait l'heure. Elle me demanda pourquoi nous nous étions tant attardés. Et quand je lui eus fait le récit de la journée, elle se prit à me plaindre et à me dorloter—en même temps qu'elle foudroyait de son plus mauvais regard mon père qui venait d'entrer et qui se couchait sans un mot. Je dînai d'un reste de soupe et d'un œuf cuit sous la cendre. Ce régal me réconforta, mais tout de même je ne pus guère dormir… Il me fallut près d'une semaine pour me remettre de cette journée et du gros rhume gagné pendant ma trop longue faction. Mais il fallut à mon père et à maman bien plus de temps encore pour en revenir à leurs relations normales.

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