Fleur d'Abîme
IX
Deux ans après, aux Bormettes, le comte Paul d’Aiguebelle, mari de Pauline, Albert de Barjols, mari d’Annette, veillaient, sous la lampe paisible.
Les hommes lisaient. Les deux jeunes femmes, attentives et souriantes, se montraient de mignonnes dentelles et des rubans à orner de petits bonnets d’enfant.
— Tiens, regarde ça, dit à voix basse Paul à Albert, en lui passant son journal et en lui désignant du doigt la rubrique : Échos des deux mondes.
Le journal disait :
« La princesse Rita Tcherniloff vient d’arriver à Spa. On prétend ici qu’elle n’avait jamais épousé le prince, et qu’elle a été naguère expulsée de Pétersbourg, après des aventures tout à fait cosaques. On dit encore qu’elle serait espionne aux gages de plusieurs puissances qu’elle trahirait également les unes pour les autres. Mais rien de tout cela n’est prouvé. On calomnie tant aujourd’hui, que la médisance en devient suspecte. Quoi qu’il en soit, tout le monde s’accorde à admirer cette femme, illustre par la beauté, par l’intelligence, par la fortune, aussi bien que par la bizarrerie éclatante de ses aventures, vraies ou fausses. A Spa, son arrivée a fait sensation.
Comme le disait, l’autre jour, M. X de Z, secrétaire de l’ambassade de France à Rome : « C’est une des reines du monde. »
Paris, 24 février 1894.