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L'Aiglon: Drame en six actes, en vers

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SCÈNE VII

Les Mêmes, moins LE SERGENT. DIETRICHSTEIN, entré depuis un moment.

MARIE-LOUISE, aux dames qui l’entourent.

Je vais mieux. Merci !

THÉRÈSE, la regardant, tristement.

L’Impératrice !

MARIE-LOUISE, à Dietrichstein, lui désignant Thérèse.

Monsieur de Dietrichstein,— ma nouvelle lectrice.

(A Thérèse, lui présentant Dietrichstein.)

Le précepteur du duc !— Mais j’y pense, pardon !
Lisez-vous bien ?

TIBURCE, répondant pour elle.

Très bien !

THÉRÈSE, modestement.

Je ne sais…

MARIE-LOUISE.

Prenez donc
Un des livres de Franz… sur la table de laque.
Ouvrez, et lisez-nous, au hasard !

THÉRÈSE, prenant un livre.

Andromaque.

(Grand silence. Tout le monde s’installe pour écouter. Elle lit.)

Et quelle est cette peur dont leur cœur est frappé,
Seigneur ? Quelque Troyen vous est-il échappé ?
— Leur haine pour Hector n’est pas encore éteinte :
Ils redoutent son fils.

(Tout le monde se regarde. Froid.)

Digne objet de leur crainte !
Un enfant malheureux, qui ne sait pas encor
Que Pyrrhus est son maître et qu’il est fils d’Hector !…

(Murmure et embarras général.)

TOUT LE MONDE.

Hum !… Heu…

GENTZ.

Charmante voix !…

MARIE-LOUISE, s’éventant nerveusement, à Thérèse.

Prenez une autre page.

THÉRÈSE, ouvrant le livre à un autre endroit.

Hélas ! je m’en souviens, le jour que son courage
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas,
Il demanda son fils,

(Les visages se rembrunissent.)

et le prit dans ses bras :
Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes,
J’ignore quel succès le sort garde à mes armes ;
Je te laisse mon fils…

(Murmure et embarras général.)

TOUT LE MONDE.

Hum !… Oui !

MARIE-LOUISE, de plus en plus gênée.

Si nous passions
A quelque autre… Prenez…

THÉRÈSE, prenant un autre livre sur la table.

Les Méditations.

MARIE-LOUISE, rassurée.

Ah ! je connais l’auteur !— Ce sera moins maussade !—
Il a dîné chez nous.

(A Scarampi, avec ravissement.)

L’attaché d’ambassade !

THÉRÈSE, lisant.

Jamais des séraphins les chants mélodieux
De plus divins accords n’avaient ravi les cieux :
Courage, enfant déchu d’une race divine…

(Au moment où elle dit ce vers, le duc paraît dans la porte du fond. Thérèse sent que quelqu’un entre, quitte le livre des yeux, voit le duc pâle et immobile sur le seuil, et, bouleversée, se lève. Au mouvement qu’elle fait, tout le monde se retourne et se lève.)

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