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L'Aiglon: Drame en six actes, en vers

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SCÈNE XI

Les Mêmes, LA COMTESSE, puis DIETRICHSTEIN.

LA COMTESSE, qui sort de chez Marie-Louise et entend ces derniers mots, saisie.

Vous, pas prêt ?

(Elle se retourne et, vivement, parlant par la porte entre-bâillée à Marie-Louise et Scarampi invisibles.)

C’est compris !… non ! restez !… Je me sauve…
Pour le bal de ce soir, la blanche, pas la mauve !

(Fermant la porte et descendant vers le duc.)

Pas prêt ! Que vous faut-il ?

LE DUC.

Un an de rêve obscur,
De travail.

LA COMTESSE, farouche.

Viens régner !

LE DUC.

Non ! mon front n’est pas mûr !

LA COMTESSE.

La couronne suffit pour mûrir une tempe !

LE DUC, montrant sa table de travail.

Oui, la couronne d’or qui tombe d’une lampe !

LE JEUNE HOMME.

C’est que l’occasion…

LE DUC, se retournant, avec hauteur.

Plaît-il ? l’occasion ?
Serait-ce le tailleur qui reparaît ?

LA COMTESSE.

Mais…

LE DUC, fermement.

Non !
J’aurai la conscience à défaut de génie :
Je vous demande encor trois cents nuits d’insomnie !

LE JEUNE HOMME, désespéré.

Mais il va confirmer tous les bruits, ce refus !

LA COMTESSE.

On prétend que jamais avec nous tu ne fus !

LE JEUNE HOMME.

Vous êtes Jeune France, on vous croit Vieille Autriche.

LA COMTESSE.

On dit qu’on affaiblit ton esprit !

LE JEUNE HOMME.

Qu’on vous triche
Sur ce qu’on vous apprend !

LA COMTESSE.

Et que tu ne sais pas
L’histoire de ton père !…

LE DUC, sursautant.

On dit cela, là-bas ?

LE JEUNE HOMME.

Que leur répondrons-nous ?

LE DUC, violemment.

Répondez-leur…

(A ce moment une porte s’ouvre. Dietrichstein paraît. Le duc, se retournant vers lui très naturellement :)

Cher comte ?

DIETRICHSTEIN.

C’est d’Obenaus.

LE DUC.

Pour mon cours d’histoire ? — Qu’il monte.

(Dietrichstein sort. Le duc montrant au jeune homme et à la comtesse les vêtements épars.)

Mettez le plus de temps possible à tout plier,
Et tâchez dans ce coin de vous faire oublier !

(Voyant Dietrichstein rentrer avec d’Obenaus, à d’Obenaus :)

Bonjour, mon cher baron.

(Négligemment, à la comtesse et au jeune homme, en leur montrant un paravent.)

Achevez, là derrière,
Vos paquets !…

(A d’Obenaus.)

Mon tailleur…

D’OBENAUS.

Ah !

LE DUC.

Et la couturière
De la duchesse…

D’OBENAUS.

Ah ! ah !

LE DUC.

Vous gênent-ils ?

D’OBENAUS, qui s’est assis derrière la table avec Dietrichstein.

Non, non !
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