← Retour

L'Aiglon: Drame en six actes, en vers

16px
100%

SCÈNE IX

Les Mêmes, LE DUC, puis des Laquais.

METTERNICH, se précipitant vers lui avec un rire nerveux.

Ah ! ah ! c’est vous ! c’est vous ! c’est vous ! C’est Votre Altesse !
Ah ! que je suis heureux !

LE DUC, ironiquement.

D’où vient cette tendresse ?

METTERNICH.

Non ! vraiment, je croyais — tant c’était réussi !—
Qu’un autre allait sortir !

FLAMBEAU, comme sortant du rêve auquel il s’est pris lui-même.

Je le croyais aussi !

LE DUC, se retournant vers lui, et apercevant avec épouvante son uniforme.

Dieu ! qu’as-tu fait ?

FLAMBEAU.

Du luxe !

METTERNICH, qui a gagné la sonnette, sonnant et appelant.

A moi !

LE DUC, à Flambeau.

Fuis !

FLAMBEAU, courant vers le fond.

La fenêtre !

LE DUC, voulant le retenir.

La sentinelle va tirer sur toi !

FLAMBEAU.

Peut-être !

LE DUC.

C’est long, d’ici les bois !

METTERNICH.

Et si, pendant qu’il court,
On lui tire dessus…

FLAMBEAU.

Ça me semblera court !

LE DUC, vivement, apercevant la livrée de Flambeau à terre.

Mets ta livrée !

METTERNICH, courant et posant son pied dessus.

Ah ! non !

FLAMBEAU, dédaigneusement.

Gardez cette guenille !
Est-ce qu’un papillon se remet en chenille ?

(Et le fusil en bandoulière, gardant, par défi, tout son attirail, il s’élance sur le balcon.)

Au revoir !

LE DUC, le suivant.

Mais c’est fou !

FLAMBEAU, vite et bas au duc.

Chut ! Je gagne le trou
De Robinson !— Au bal de demain !

(Il enjambe la balustrade.)

LE DUC.

Mais c’est fou !

FLAMBEAU, disparaissant.

J’y serai !

LE DUC, lui criant à voix basse.

Pas de bruit !

METTERNICH, en le voyant disparaître.

Oh ! pourvu qu’il se luxe
Quelque chose !…

(On entend la voix de Flambeau entonner tranquillement dans la nuit le Chant du départ : La victoire en chantant…)

LE DUC, terrifié.

Hein ?

METTERNICH, stupéfait.

Il chante ?

LE DUC, se penchant au balcon avec angoisse.

Oh ! que fais-tu ?

LA VOIX DE FLAMBEAU, dans le parc.

Du luxe !

(Il continue : … nous ouvre la carrière…

Une détonation. La chanson s’interrompt. Seconde de silence et d’attente. Puis, la voix reprend gaiement, plus lointaine : La liberté…)

LE DUC, avec un cri de joie.

Manqué !…

(Metternich se précipite derrière lui sur le balcon et suit des yeux, dans le parc, la fuite de Flambeau.)

METTERNICH, avec dépit.

Comme il s’est bien, dans l’ombre, reconnu !

LE DUC, fièrement.

Il connaît le pays : il est déjà venu.

METTERNICH, à plusieurs laquais qui viennent d’entrer par la droite, les congédiant du geste.

Trop tard ! Retirez-vous ! Plus rien pour mon service !

(Les laquais sortent.)

Chargement de la publicité...