L'Aiglon: Drame en six actes, en vers
SCÈNE II
LE GÉNÉRAL HARTMANN, LE DOCTEUR, MARIE-LOUISE, LA FAMILLE IMPERIALE, METTERNICH, puis PROKESCH, LA COMTESSE CAMERATA, THÉRÈSE DE LORGET.
(Les princes et les princesses, avec mille précautions pour n’être pas entendus, se placent sur plusieurs rangs, tournés vers cette porte fermée derrière laquelle on entend, de temps en temps, une sonnette. Marie-Louise est au premier rang. Il y a des archiducs très âgés et des archiducs enfants ; et des adolescents qui sont blonds du même blond que le duc. Dans l’ombre de la porte ouverte, on voit briller des uniformes. Metternich, en grand costume, se met au dernier rang de la Famille Impériale.)
LE GÉNÉRAL HARTMANN, voyant que tout le monde s’est immobilisé, reprend d’une voix basse et solennelle.
UNE PRINCESSE, aux enfants qu’on a fait mettre devant.
LE GÉNÉRAL HARTMANN.
(A ce moment Prokesch entre à gauche, introduisant deux femmes : la Comtesse Camerata et Thérèse.)
METTERNICH, aux nouveaux arrivants.
PROKESCH, tout bas, à la Comtesse et à Thérèse.
THÉRÈSE.
MARIE-LOUISE.
UNE PRINCESSE.
UNE AUTRE.
(Toutes les femmes s’agenouillent.)
LE GÉNÉRAL HARTMANN.
LA COMTESSE, qui est restée debout, apercevant Metternich incliné à côté d’elle, lui touche le bras.
METTERNICH, se retourne, la regarde, et fièrement.
LA COMTESSE.
METTERNICH, après une seconde de silence.
(Et comme la clochette sonne, il dit :)
MARIE-LOUISE, au général qui entrouvre la porte et regarde par la fente.
METTERNICH, reprenant d’une voix sourde.
(Il plie le genou.)
LE GÉNÉRAL HARTMANN, regardant toujours par la porte entre-bâillée.
TOUS, sentant le moment approcher.
LE GÉNÉRAL HARTMANN, les mains sur la porte.
TOUS.
LE GÉNÉRAL.
(Il pousse sans bruit les battants. Et l’on aperçoit ce petit salon si gai où tout est en porcelaine, les murs blancs et bleus, le lustre de faïence allumé, des bouquets de violettes, des enfants de chœur, une brume d’encens, l’or tendre des cierges, le doux luxe de l’autel, et, tournant le dos, agenouillés tous les deux — elle le soutenant d’un bras passé autour des épaules — l’archiduchesse et le duc qui attendent, et le prélat qui descend vers eux, l’hostie déjà tremblante au-dessus du ciboire. Seconde de profonde émotion et de silence. Tout le monde est prosterné, retenant son souffle et ses larmes.)
THÉRÈSE, lentement, se soulève, se soulève pour regarder par-dessus les têtes, regarde, voit, et dans un sanglot qui lui échappe.
(Mouvement d’effroi. Le général Hartmann referme vivement la porte. Tout le monde se lève.)
LE GÉNÉRAL, précipitamment, aux archiducs.
(Tous ont reflué vers la porte de gauche, mais la porte du Salon de Porcelaine s’ouvre brusquement, le duc paraît sur le seuil, les voit tous là debout devant lui et après un long regard qui comprend :)
LE DUC.