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L'Aiglon: Drame en six actes, en vers

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SCÈNE PREMIÈRE

SEDLINSKY, LES LAQUAIS, L’HUISSIER.

SEDLINSKY, assis dans un fauteuil.

C’est tout ?

PREMIER LAQUAIS.

C’est tout.

SEDLINSKY.

Rien d’anormal ?

DEUXIÈME LAQUAIS.

Rien d’anormal.

TROISIÈME LAQUAIS.

Il mange à peine.

QUATRIÈME LAQUAIS.

Il lit beaucoup.

CINQUIÈME LAQUAIS.

Il dort très mal.

SEDLINSKY, à l’huissier.

Es-tu sûr des valets de chambre de service ?

L’HUISSIER.

Oh ! ces messieurs, Monsieur le préfet de police,
Sont tous des policiers de carrière.

SEDLINSKY.

Merci.

(Il se lève pour sortir.)

Mais j’ai peur que le duc ne me surprenne ici.

PREMIER LAQUAIS.

Non. Le duc est sorti.

DEUXIÈME LAQUAIS.

Comme à son ordinaire.

TROISIÈME LAQUAIS.

En uniforme.

QUATRIÈME LAQUAIS.

Avec sa maison militaire.

L’HUISSIER.

On doit manœuvrer.

SEDLINSKY.

Donc… du flair, du tact.— Enfin,
Surveillez-le sans qu’il s’en doute.

L’HUISSIER, souriant.

Je suis fin.

SEDLINSKY.

Pas de zèle. Quand on fait du zèle, je tremble.
— Surtout, n’écoutez pas aux portes tous ensemble.

L’HUISSIER.

C’est un soin dont je n’ai chargé qu’un seul agent.

SEDLINSKY.

Lequel ?

L’HUISSIER.

Le Piémontais.

SEDLINSKY.

Oui, très intelligent.

L’HUISSIER.

C’est lui que chaque soir je mets dans cette pièce,
Sitôt que dans sa chambre a passé Son Altesse.

(Il désigne à gauche, la porte de la chambre du duc.)

SEDLINSKY.

Il est là ?

L’HUISSIER.

Non. La nuit ne pouvant fermer l’œil,
Le jour, quand le duc sort, il dort dans un fauteuil.
Il sera là sitôt le duc rentré.

SEDLINSKY.

Qu’il veille !

L’HUISSIER.

C’est compris.

SEDLINSKY, jetant un regard sur la table.

Les papiers ?

L’HUISSIER, souriant.

Explorés.

SEDLINSKY, se penchant pour regarder sous la table.

La corbeille ?

(Il s’agenouille vivement en voyant des petits bouts de papier sur le tapis, autour de la corbeille.)

Des morceaux ?…

(Il cherche à les réunir.)

C’est peut-être une lettre… De qui ?

(Entraîné par la curiosité professionnelle il est tout à fait sous la table, ramassant, cherchant à lire. A ce moment une porte, à droite, s’ouvre, et le duc entre, suivi de sa maison militaire : général Hartmann, capitaine Foresti, etc. Les laquais se rangent précipitamment. Le duc est en uniforme : l’habit blanc boutonné à collet vert, les pattes d’ours en argent sur les manches, un grand manteau blanc sur les épaules. Bicorne noir au retroussis duquel est piquée une verte feuille de chêne. Sur la poitrine, les deux plaques de Marie-Thérèse et de Saint-Étienne. Se mêlant au ceinturon du sabre, la ceinture de soie, jaune et noire, à gros glands. Bottes.)

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