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L'Aiglon: Drame en six actes, en vers

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SCÈNE VII

LE DUC, PROKESCH, METTERNICH, puis UN LAQUAIS.

METTERNICH, tranquillement.

Passant le pont ?

LE DUC, tressaille, et se retournant.

La Garde !

METTERNICH, regardant avec son lorgnon.

Alors, toute l’armée est française, aujourd’hui ?
D’où vient qu’on ne voit pas d’Autrichiens ?

LE DUC.

Ils ont fui.

METTERNICH.

Tiens ! tiens !

(Il prend un des petits soldats, le retourne.)

Qui vous les a peinturlurés ?

LE DUC, sèchement.

Personne.

METTERNICH.

C’est vous ?… Vous abîmez les joujoux qu’on vous donne ?

LE DUC, pâlissant.

Mais, Monsieur !…

(Metternich sonne. Un laquais paraît. C’est le même que tout à l’heure.)

METTERNICH, au laquais.

Emportez et jetez ces soldats !
On en rapportera de neufs.

LE DUC.

Je n’en veux pas !
Si j’en suis au joujou, du moins qu’il soit épique !

METTERNICH.

Quelle mouche, ou plutôt quelle abeille, vous pique ?

LE DUC, marchant sur lui les poings crispés.

Sachez que l’ironie étant peu de mon gré…

LE LAQUAIS, qui emporte les soldats, en passant derrière le duc, bas et vite.

Taisez-vous, Monseigneur, je vous les repeindrai.

METTERNICH, qui remontait, se retourne à la menace du duc, et avec hauteur.

Plaît-il ?

LE DUC, calmé subitement, avec une humilité forcée.

Rien.— Un moment d’humeur involontaire.
Pardonnez-moi…

(A part.)

J’ai quelqu’un là. Je peux me taire !

METTERNICH.

J’amenais justement votre ami.

LE DUC.

Mon ami ?

METTERNICH.

Le maréchal Marmont.

PROKESCH, avec une indignation contenue.

Marmont !

METTERNICH, regardant Prokesch.

Il est parmi
Ceux qu’il me plaît de voir ici…

PROKESCH, entre ses dents.

J’aime à le croire.

METTERNICH.

Il est là.

LE DUC, très aimablement.

Mais qu’il vienne !

(Metternich sort. A peine la porte fermée, le duc s’abat dans le fauteuil, et se cognant avec désespoir la tête contre la table.)

Ah ! mon père !… la gloire !…
Les aigles !… le manteau !… le trône impérial !…

(On entend la porte se rouvrir. Il se redresse, immédiatement calme et souriant, et très naturellement, à Marmont qui entre avec Metternich.)

Comment vous portez-vous, Monsieur le Maréchal ?

METTERNICH, désirant emmener Prokesch.

Prokesch, venez un peu voir la chambre qu’habite
Le duc…

(Il lui prend le bras et l’emmène. Le duc et Marmont restent seuls.)

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