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L'Aiglon: Drame en six actes, en vers

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SCÈNE VI

Les Mêmes, MARIE-LOUISE, puis un soldat autrichien.

MARIE-LOUISE, d’une voix entrecoupée.

Avez-vous entendu ? Ho ! c’est épouvantable !
Ça me rappelle — un jour — la foule s’amassa
Autour de ma voiture — à Parme —

(Elle tombe défaillante sur la chaise longue.)

en criant ça !
On veut troubler ma vie !

METTERNICH, nerveux, à Tiburce.

Enfin, ce cri, qu’était-ce ?

TIBURCE.

Servant tous deux au régiment de Son Altesse,
Deux hommes en congé, marchaient d’un pas distrait,
Quand ils ont vu le duc de Reichstadt qui rentrait ;
Vous savez qu’un fossé profond longe la rue :
Le duc veut le franchir ; son cheval pointe, rue,
Se dérobe ; le duc le ramène… et, hop là !
Alors, pour l’applaudir, ils ont crié. Voilà.

METTERNICH.

Faites-m’en monter un, vite !

(Tiburce, du perron, fait un signe au dehors.)

MARIE-LOUISE, à qui on fait respirer des sels.

On veut que je meure !

(Entre un sergent du régiment du duc. Il salue gauchement, intimidé par tout ce beau monde.)

METTERNICH, avec indignation.

Un sergent !— Pourquoi donc avez-vous, tout à l’heure,
Poussé ce cri ?

LE SERGENT.

Je ne sais pas.

METTERNICH.

Tu ne sais pas ?

LE SERGENT.

Le caporal non plus, avec lequel, en bas,
J’ai crié, ne sait pas. Ça nous a pris. Le prince
Était si jeune sur son cheval, et si mince !…
Et puis on est flatté d’avoir pour colonel
Le fils de…

METTERNICH, vivement.

Bien, c’est bien !

LE SERGENT.

Ce calme avec lequel
Il a franchi l’obstacle ! Et blond comme un saint George !…
Alors, ça nous a pris, tous les deux, à la gorge,
Un attendrissement… une admiration…
Et nous avons crié : « Vive… »

METTERNICH, précipitamment.

C’est bon ! c’est bon !
— Et : « Vive le duc de Reichstadt ! », triple imbécile,
C’est donc plus difficile à crier ?

LE SERGENT, naïvement.

Moins facile.

METTERNICH.

Hein ?

LE SERGENT, essayant.

« Vive le duc de Reichstadt ! »… Ça fait moins bien
Que : « Vive… »

METTERNICH, hors de lui, le congédiant du geste.

Allons, c’est bon, va-t’en ! ne criez rien !

TIBURCE, au soldat quand il passe près de lui pour sortir.

Idiot !
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