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Les Colons du Rivage, ou Industrie et Probité: Ouvrage destiné a servir de lecture courante dans les écoles primaires

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36. — Il faut partir.

On n'avait pas besoin, sous le toit de chaume, d'écouter la voix de l'intérêt, pour demander au ciel avec ardeur la guérison du bon vieillard. On se flattait toujours de le voir bientôt revenir, aussi ce fut une grande désolation chez les Baudry, lorsqu'à l'entrée de l'hiver, on leur annonça que M. M… avait succombé. Cette funeste nouvelle affligea tout le voisinage ; l'intendant, lui seul, apprit avec une joie secrète la mort de son bienfaiteur.

En homme qui croyait savoir parfaitement ce qu'il avait à faire, il signifia sur-le-champ aux Baudry qu'ils eussent à sortir du Rivage dans trois jours. Larmes, prières, reproches, tout fut inutile. Il alléguait le devoir de sa charge et l'obligation de rétablir les droits du maître dans leur intégrité.

Tout le voisinage fut indigné d'une telle rigueur. Nos colons s'étaient fait beaucoup d'amis par leur sage conduite ; plusieurs vinrent leur offrir des conseils, des consolations, des secours. Un homme versé dans la pratique des affaires disait à Charles : « On n'a pas le droit de vous chasser d'ici sans avertissement préalable ; vous n'avez pas, il est vrai, de bail écrit, mais il y avait entre M. M… et vous un contrat tacite ; on vous a laissé jouir, cultiver, planter, bâtir ; on s'est engagé par là même avec vous jusqu'à une certaine limite, que le Code a fixée. Lisez-le : il est positif. On doit vous signifier votre congé pour l'époque d'usage. Vous seriez dupe, si vous renonciez au bénéfice de la loi. — Ce bénéfice, répondait Charles, me vaudra un procès ; voilà ce que j'y trouve de plus clair. C'est du temps perdu ; ce sont des risques, auxquels je ne veux pas m'exposer. Nous entrons en hiver : il faut que je pense à des choses plus pressantes que des citations et des ajournements. » Isabelle ajoutait : « Nous ne pouvons nous éloigner trop vite, afin de ne plus voir ce méchant homme. — Enfin disait la veuve, nous savons que nous ne sommes pas chez nous : on ne reste pas chez les gens contre leur gré. Nous avons eu trop de confiance en l'appui de l'homme ; apprenons maintenant à ne plus nous confier qu'en Dieu.

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