Les Colons du Rivage, ou Industrie et Probité: Ouvrage destiné a servir de lecture courante dans les écoles primaires
4. — Conseil de famille.
Aussitôt Charles courut chez sa mère, et lui conta ce qui lui était arrivé ; que la place de valet de chambre était déjà prise, mais qu'il n'y pensait plus, ayant trouvé, disait-il, des moyens d'existence pour la famille, un logement gratuit, un terrain au soleil, un rivage! Après le premier instant d'émotion, il s'expliqua mieux, et, si ce projet le séduisait, on peut juger combien il dut sourire au petit frère et aux petites sœurs. Tous sautaient de joie. Un pareil établissement fut, une fois au moins, le rêve de toute jeune tête. Isabelle, Juliette, André, jasaient à l'envi : « Je ferai ceci, je planterai cela. » Leur imagination prenait l'essor, et créait, du premier coup, un monde de merveilles. C'était un flux de paroles, un bruit, un tourbillon, au milieu desquels il n'y avait pas moyen de s'entendre.
« Tu vois, mon Charles, dit la veuve en souriant, l'émotion que tu as excitée dans ce petit monde : c'est que ton dessein est fait pour leur âge ; il n'est pas sérieux ; tu n'as pas prévu toutes les difficultés. — C'est possible, ma mère, mais ne me découragez pas, je vous en prie. Ces enfants se font une idée chimérique de mon entreprise ; veuillez, vous, ne pas en désespérer. Laissez-moi d'abord bâtir la cabane ; vous verrez ensuite s'il vous convient de l'habiter avec moi. Quand nous aurons un abri, j'entrevois bien des ressources, qui nous permettront de rendre peu à peu notre condition meilleure. — Va, mon enfant, je ferai tout ce que tu voudras, et tu ne m'auras pas donné vainement l'exemple de la confiance en Dieu. Si j'ai dû peut-être hésiter un moment, en pensant aux fatigues que tu te prépares, tout cède au désir de vivre avec toi. J'ai pleuré ce matin après ton départ ; je me voyais déjà séparée de mon fils. C'est pour exaucer mes prières que Dieu t'inspire l'idée d'une entreprise qui nous rapproche. Elle réussira peut-être d'autant mieux que la protection divine nous y sera plus nécessaire. »