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Les Colons du Rivage, ou Industrie et Probité: Ouvrage destiné a servir de lecture courante dans les écoles primaires

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37. — Résolution courageuse.

Plusieurs personnes compatissantes offraient des secours à Susanne et à ses enfants. « Comment passerez-vous l'hiver? » leur disait-on. « Je me charge de Juliette, » disait une bonne femme. « André viendra chez moi, » ajoutait une autre. Un homme respectable, le plus riche de l'endroit, trouvait fâcheux de les séparer, et voulait qu'ils se retirassent tous chez lui. À ces offres obligeantes, Charles répondit : « Je vous remercie, mes bons voisins ; ma mère, mes sœurs et mon frère ne vivront pas de charité. Gardez vos secours pour les infirmes. Vous voyez que nous sommes tous en état de gagner notre vie. Nous nous y sommes préparés autour de cette cabane. C'est un avantage que Cravel ne nous ôtera pas. Si nous regrettons le Rivage, c'est que nous l'aimions ; nous l'avons tiré des eaux, cultivé, amélioré, embelli ; on ne quitte pas sans peine son enfant : mais ce que nous avons fait ici, nous pourrons le faire ailleurs, et probablement avec plus de facilité.

« Je veux passer sur l'autre bord. Là demeure un vigneron de mes amis, qui m'a souvent parlé de ce qu'il voit autour de lui ; les terres y sont moins chères que dans ces quartiers ; le pays est moins peuplé : c'est dans les cantons moins remplis que les pauvres gens trouvent plus facilement leur part et leur place. Quand on sait se résigner à la vie sobre et dure que nous avons menée sous ce chaume, il n'est pas trop difficile de trouver le pain d'une famille. On ne voulait pas croire que la nôtre pût vivre sur cette grève : vous voyez cependant à quoi nous étions parvenus. La persévérance fait bien d'autres miracles.

« Je suis à présent dans la force de l'âge ; voilà mon frère comme j'étais quand nous vînmes ici. Ma mère, qui a repris des forces et de la santé, mes sœurs, qui ont appris le service de la maison et les ouvrages de leur sexe, nous aideront à vivre doucement. J'ignore si elles pourraient se passer de moi, mais je ne peux me passer d'elles. Si elles veulent me croire encore, nous resterons tous ensemble : il n'y aura de changé que la rive. En nous éloignant un peu du lac, en pénétrant dans l'intérieur, nous trouverons des terres plus fortes, plus fertiles et moins chères. Mon ami le vigneron connaît une commune qui en possède, qu'elle laisse en friche, parce qu'elles sont éloignées des voies de communication : c'est là justement que je voudrais m'établir. Je le pourrai, même sans avances. Quand nous aurons du blé à vendre, on saura bien trouver un chemin pour venir l'acheter. Seulement, je ferai mes conditions avant de m'établir, et je prendrai mes sûretés, afin de ne pas causer deux fois à ma famille un chagrin comme celui-ci. »

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