Les Colons du Rivage, ou Industrie et Probité: Ouvrage destiné a servir de lecture courante dans les écoles primaires
6. — Son industrie excite celle de ses voisins.
Je ne cachai pas à mes voisins l'heureux état de mes affaires ; plusieurs m'en félicitèrent de bon cœur ; d'autres furent jaloux. Quelques-uns se disposèrent à me faire concurrence. Je leur dis avec franchise :
— Vous êtes libres ; mais veuillez réfléchir que j'ai déjà cinq ans d'expérience ; j'ai l'avance sur vous. Eh! pourquoi nous jeter tous dans le même chemin? Nous nous gênerons les uns les autres. Si j'étais à votre place, j'aimerais mieux m'ouvrir un sentier nouveau. Les gens de la plaine ont mille besoins différents : tâchons de les contenter. Vous, François, par exemple, pourquoi n'apprendriez-vous pas à fabriquer les cuves, les tonneaux, les baquets de toute sorte? Vous, Pierre, pourquoi ne feriez-vous pas des échalas? Vous, Sylvestre, des tuyaux de fontaine? Charles, vous avez deux jeunes fils, qui montrent déjà beaucoup d'adresse et d'application : faites-en des horlogers. Ils travailleront à vos côtés, et leur métier vaudra mieux que le mien. Voilà ce que je crois le plus sage ; après cela si vous préférez la vannerie, je souhaite que Dieu bénisse votre œuvre, comme je le prie de m'aider moi-même. Je ne serai pas jaloux de vos succès : soyons rivaux, mais soyons amis ; il y aura peut-être du pain pour tout le monde.
Mes avis furent très-bien reçus ; chacun se choisit une occupation qui lui offrît de bonnes chances, et j'eus le plaisir de voir le village devenir industrieux à mon exemple.