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Madame Putiphar, vol 1 e 2

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XXVI.

A neuf heures précises, Patrick arrivoit à Trianon.

Un valet guettoit sa venue; il fut aussitôt conduit par lui dans un petit salon, où madame Putiphar, abandonnée nonchalamment sur un divan, promenoit plus nonchalamment encore ses doigts sur les cordes d’une mandoline.

A ses pieds brûloient des parfums d’Arabie.

La fenêtre, tapissée de clématites et de liserons, étoit ouverte à la brise embaumée du soir, ou pour parler synchroniquement un langage contemporain, à la tiède haleine de l’amant de Flore.

Le divan, le sopha, l’ottomane, faits sur les dessins de François Boucher, étoient assurément ce qu’avoit produit de plus fantasque l’école du Borromini, c’est-à-dire l’école de la ligne tourmentée.

Pour arriver à chantourner et à tarabiscoter ces surfaces et ces galbes,—qu’on me passe ces mots techniques,—la puissance d’imaginative qu’il avoit fallu devoit tenir de fort près au génie, en étoit peut-être.

Ce que je n’oserai affirmer jusqu’à ce qu’un concile, composé de Sophocle et de l’abbé de Voisenon, de Théocrite et de Vadé, de Leonard de Vinci et de Watteau, de Michel Cervantes et de saint Augustin, ait décidé irrévocablement sous quelle forme invariable le génie se révèle, et si cette forme est la ligne droite ou le tarabiscot.

La table, le guéridon, les consoles et les jardinières étoient chargées de vases en porcelaine de la manufacture de Sèvres de madame Putiphar, touts remplis de fleurs rares et odorantes. Un lustre de crystal de roche, des bras de vermeil, plus tarabiscotés encore que les meubles, et chargés de bougies guillochées, illuminoient ce harem délicieux. Oui, harem, et non pas boudoir, car tout cela avoit quelque chose d’oriental, peu dans la forme, mais beaucoup dans la pensée.

Ce n’étoit pas comme dans Crébillon fils, du rococo, sous un dehors oriental, c’étoit de l’oriental sous un dehors rococo.

Nous avons vu quelquefois rechercher ce qui à cette époque si peu orientaliste, avoit pu tourner les regards des François vers l’Asie; ce qui avoit pu imprimer à leur esprit une direction si générale; ce qui avoit pu donner naissance à un engouement tel, que toute production de l’imagination, de l’esprit ou de la pensée, toute œuvre d’art ou de luxe pour obtenir un peu d’accueil, étoient dans la nécessité de s’empreindre ou de s’imprégner plus ou moins d’une couleur ou d’une forme persane, chinoise, hindoue, turke ou arabe.

Les uns attribuent cette monomanie à la traduction des Mille et une Nuits de l’abbé Galland; les autres à la guerre de l’Inde, ou à quelques causes équivalentes.

Cette question, pour être bien éclaircie, demande des recherches et un examen que nous ne saurions faire et surtout en ce lieu. Il me semble toutefois que ce n’est point dans les faits éventuels qu’il faudroit chercher une raison que la nation et la Cour avoient en elles-mêmes.

Un relâchement tout à fait asiatique dans les mœurs avoit fait seul ce rapprochement et cette sympathie.

La mollesse, les voluptés, l’inceste, la polygamie, la pédérastie, la joie, la galanterie mauresque et non plus chevaleresque; l’esclavage et enfin le sans-souci de l’esclavage, avoient assimilé ainsi deux peuples si différents en tant d’autres points.

Jusques à Pharaon même qui avoit sa sultane favorite, son Parc-aux-Cerfs, ses lettres-de-cachet, tout aussi bien que Mustapha son harem et ses cordons.

Le dogme chrétien qui avoit réhabilité Ésope étoit anéanti. Hercule et Vénus, la force et la beauté physique, étoient le seul objet du culte. Plus de mélancolie, plus de chasteté, plus de modestie, plus de méditation, plus de rêverie; plus rien de grand, de profond, de triste, de sublime! La contemplation éternelle de la splendeur de Dieu, ridicule! mais, Mahomet et sa joie, Mahomet et sa sensualité, Mahomet et ses houris.

L’Islamisme pur régnoit de fait: en vérité, sous les perruques et les paniers on étoit aussi musulman que sous le turban et la basquine.

Des fleurs, des bougies, des parfums, des canapés, des vases, des rubans, du damas, une voix mélodieuse, une mandoline, des miroirs, des joyaux, des diamants, des colliers, des anneaux, des pendants d’oreille, une femme belle, gracieuse, languissamment couchée!... L’imagination pourroit-elle concevoir rien de plus séducteur? et n’étoit-ce pas assez pour jeter le trouble dans une jeune âme, si facile à l’enthousiasme, et pour la première fois se trouvant dans un boudoir? Qui de nous, assez heureux pour pénétrer dans ce lieu le plus secret du gynécée, n’a ressenti sous la puissance d’un charme inconnu une voluptueuse émotion?

Frappé, ébloui, par tant d’éclat, d’apparat et de magie, Patrick demeura quelques instants dans l’admiration et l’hésitation; puis, tout d’un élan, il vint s’agenouiller aux pieds de madame Putiphar et coller ses lèvres tremblantes sur ses babouches indiennes, brodées d’or et de pierres fines.

Jouissant de ses transports enfantins et de l’agréable impression qu’elle avoit faite sur son esprit, elle laissa tomber sur lui, du haut de sa nonchalance, un regard aussi riant que sa bouche.

Un sentiment suave, dont elle avoit perdu le souvenir et qui pour cela lui sembloit aussi nouveau que le premier battement d’amour au cœur d’une jeune fille, humectoit son âme décrépite. Son corps, usé par les débauches, pour qui le plaisir n’avoit même plus d’assez fortes titillations, se pâmoit aux chastes attouchements d’une bouche posée sur son pied.

Il n’y avoit plus de doute possible; un amour qui par les sens s’étoit timidement approché du cœur de cette femme, venoit tout-à-coup d’y pénétrer profondément, et d’y éclater en maître.

Sur le déclin du jour, à l’heure où les ténèbres descendent, quelquefois le ciel semble renaître soudainement à la splendeur; ces derniers feux sont plus étincelants et plus embrasés que les feux du midi.

Ce n’étoit pas un amour plein de confiance, d’illusion, de folie, d’enthousiasme, semblable à celui qui s’éveille dans la jeunesse. C’étoit de l’amour jaloux, de l’amour inquiet, de l’amour savant, de l’amour goulu de jouissances; c’étoit de la passion matérielle. Cet amour-là est si loin des premiers, qui élèvent la pensée, qui déroulent l’intelligence, qui ennoblissent, qui dévouent, qui émancipent, qu’il n’a pas une sensation assez noble, assez délicate pour qu’elle puisse être exprimée; pas une idée qui puissent s’exhaler comme un parfum; pas de vague, point de rêverie; les sens seuls y parlent d’une voix rauque; enfin c’est un amour creux, inerte et stupide quand il n’agit pas; éhonté, persévérant, implacable quand il est blessé ou dédaigné.

Patrick, lui ayant donné les marques d’un respectueux hommage, se releva; elle lui commanda, avec un air de grandeur familière, de s’asseoir à ses côtés, et Patrick obéit en disant:

—Tout-à-l’heure, entrant dans ce séjour de fée, au milieu de mon enivrement, des sons harmonieux de voix humaine et de guitare ont caressé mon oreille. Vous chantiez, madame? Pourquoi faut-il que je sois venu, comme un grossier pâtre, troubler du bruit de mes pas la vallée solitaire et le chant de philomèle!... Pardonnez-moi, madame, cette idylle et le rôle malencontreux que j’y joue.

—A la fois poète et galant, poète comme M. Dorat, galant comme M. de Richelieu. Vous êtes un esprit accompli, sir Patrick.

—Vos louanges et votre indulgence ont autant de largesse que votre cœur, madame; mais permettez-moi de décliner le diplôme de poésie et de chevalerie que vous daignez m’octroyer; si Dieu m’eût fait de semblables dons, ce n’est point, veuillez le croire, M. Dorat ni M. de Richelieu que j’eusse pris pour émules. Plutôt Yung et Bayard.

—Yung, ce nouveau songe-creux?

—Oui, madame.

—Et Bayard, cette bégueule?

—Sans peur et sans reproche, madame.

—Vous avez d’étranges idées sur la vie. Je ne sais, monsieur, quel lucre vous pourrez en tirer, répliqua la Putiphar d’un ton de dépit, froissée qu’elle étoit par ces paroles austères.

—Toutefois, madame, je ne serai point déçu; je n’ai jamais songé à tirer un lucre de mes sentiments ni de ma conduite; je demeure simplement convaincu que le bien mène à bien.

La conversation prenoit une teinte sérieuse qui contrarioit les desseins de la Putiphar; elle l’interrompit tout net par une brusque interrogation.

—Vous êtes musicien, sans doute, sir Patrick?

—Moins que je le voudrois pour mon contentement.

—Oh! dites-moi quelque chant de votre pays!

—Quoique souvent, ainsi qu’un Hébreu sur les bords du fleuve de Babylone, je m’asseye et je pleure quand je me souviens de Sion, je n’ai point suspendu ma harpe aux saules, et je ne vous répondrai point, madame: Comment chanterois-je un cantique du Seigneur dans une terre étrangère? car je ne suis point ici auprès d’une ennemie de mon Dieu. Je vous chanterai tout ce qui pourra vous plaire, madame; mais je crains que nos airs populaires, simples, lents, expressifs, ne vous soient insupportables, accoutumée comme vous l’êtes aux ariettes d’opéra.

En retour, je ne vous demande qu’une seule faveur, celle de daigner achever la romance que mon arrivée a interrompue.

—Oh! ce n’est que cela, sir Patrick?... Je vous avertis qu’il ne me restoit plus qu’un seul couplet, que voici:

Madame Putiphar, ayant préludé sur sa mandoline, se mit à soupirer d’une voix perlée, pleine de sentiment, de cadence et d’afféterie:

Iris, de tant d’amants qui vivent sous vos lois,
A qui donnez-vous votre voix,
A la perruque blonde ou brune,
Au plus chéri de la fortune?
Hélas! que je serois heureux
Si c’étoit au plus amoureux.

Cette musique est pleine d’agrément, n’est-ce pas? elle accompagne merveilleusement la délicatesse de cette poésie.

—Pourtant, s’il m’étoit permis de m’exprimer, à moi profane, elle m’avoit semblé mieux dans l’éloignement. N’est-elle pas un peu fade et maniérée? Ne trouvez-vous pas ces paroles assez sottes.

—Ouais! que dites-vous là, mon cher? vous vous feriez un tort considérable si le monde vous entendoit. Une romance de notre poète le plus distingué et de notre compositeur le plus comme-il-faut et le plus en vogue!

—Madame, je vous l’ai dit, je ne suis que le paysan du Danube.

—Je ne sais quel fut le choix d’Iris, mais le mien en pareil cas ne seroit pas douteux, sir Patrick; mon cœur ne balanceroit pas long-temps entre la perruque blonde et la perruque brune. Fi de la perruque brune!

—Fi de la perruque blonde!

—Ah! Patrick, ne traitez pas ainsi votre belle chevelure de Phœbus! Vous n’êtes pas assez infatué de vous-même. Je vois bien qu’il faut qu’on vous aime pour que vous soyez aimé. Laissez au moins qu’on vous aime.

—Madame, je ne me défends pas de l’amour.

—Il fait ce soir une chaleur accablante, n’est-ce pas?

—Moins accablante cependant que ces soirées dernières.

—J’étouffe pourtant, et, tenez, je suis à peine vêtue de ce mince peignoir.

En disant cela, madame Putiphar faisoit des minauderies engageantes: elle soulevoit, elle entr’ouvroit comme par étourderie son peignoir, et complaisamment laissoit voir à Patrick ses épaules potelées, ses beaux seins, sa belle poitrine et ses jambes blanches, jeunes et gracieuses de formes, qui depuis vingt ans faisoient les délices de Pharaon.

A ce spectacle Patrick en apparence demeuroit assez froid; cependant ses regards subitement enflammés s’arrêtoient parfois amoureusement sur ces éloquentes nudités; et la Putiphar, qui devinoit son émotion, souffloit sur cet embrasement par les poses les plus excitantes et l’abandon le plus coupable. Il y avoit en lui un combat violent entre sa fougue et sa raison, entre son appétit et son devoir. Il comprenoit parfaitement toutes les invitations tacites de la Putiphar; ses sens y répondoient, son sang bouilloit, il trembloit de fièvre. Comme une main invisible le penchoit sur elle ainsi qu’on se penche sur une fleur pour en aspirer le parfum. Lorsque, l’esprit éperdu, il se sentoit sur le point de se jeter sur ce corps ravissant et de lui appliquer de longs baisers, ses mains s’agrippoient au canapé, et il se retenoit avec violence.

Puis, lorsqu’un peu de calme lui revenoit et qu’il songeoit à toutes les souillures qu’avoit dû subir ce corps, sur lequel il n’y avoit peut-être pas une seule place vierge pour y coller ses lèvres, un rideau de fer tomboit entre elle et lui, ses sens se glaçoient, sa raison comme un marteau brisoit et pulvérisoit ses désirs, et l’image de Déborah s’élevoit alors comme une apparition au-dessus de ces ruines.

Fatigué par cette lutte, craignant à la fin de foiblir et de se trouver enlacé dans une séduction irrésistible, pour trancher brusquement le charme, il se leva et se mit à se promener au pourtour du boudoir, en examinant un à un les tableaux et les peintures des boiseries.

Mais pour ramener à l’autel et au sacrifice la victime qui s’échappoit, madame Putiphar dit à Patrick:—Revenez, s’il vous plaît, auprès de moi, monsieur; je ne vous tiens pas quitte: payez-moi de retour, rendez-moi ariette pour ariette, vous m’avez promis une chanson irlandoise.

—Madame, je n’ignore point tout ce que je vous dois.

—Allons, venez ici, lutin!...

Patrick ne pouvoit sans une impolitesse manifeste se tenir plus long-temps éloigné. Il revint donc s’asseoir sur le divan à la même place, prit la mandoline, et chanta une longue ballade.

Durant tout le temps de cette psalmodie, madame Putiphar, dans une sorte d’extase, lui donna toute son attention et touts ses regards: elle le contemploit avec l’air de satisfaction d’une mère ravie des gentillesses de son enfant, ou d’une amante qui se félicite en son esprit du bel objet de son heureux choix. Elle étoit fière de sa conquête, pour sa beauté, pour sa jeunesse; elle se complimentoit de ce que, sur le retour de l’âge, le sort lui avoit réservé une si fraîche proie.

Quand Patrick eut achevé son chant, elle le remercia avec des démonstrations presque phrénétiques, lui serrant les mains et les appuyant sur sa poitrine, qui bondissoit.

—Tout est parfait en vous, mylord, votre voix captive et séduit; elle est suave et facile; vous la modulez avec un goût, un talent vraiment exquis. Avant d’avoir éprouvé le plaisir de vous entendre, je croyois qu’un gosier semblable ne pouvait être que Napolitain.

—Les Irlandois, madame, ont toujours eu une très-grande aptitude à la musique, et l’ont toujours honorée et cultivée. Dans les temps les plus antiques, comme le rapporte Dryden, ils excelloient à pincer de la harpe, et il n’y avoit pas une maison où l’on n’apperçût en entrant cet instrument suspendu à la muraille, soit à l’usage du maître du logis, ou à celui des visiteurs et des hôtes.

Les paysans les plus grossiers sont encore au plus haut point sensibles à ses charmes. Tout honneur et toute hospitalité pour celui qui se présente au bruit d’un luth à la porte d’une cabane; la famille ouvre aussitôt son cercle; tout pélerin chanteur est un enfant de plus, il prend place autour du chaudron de patates, et a sa part de lard et de lait. Le minstrel est comme l’alouette, on ensemence pour lui.

Avec cette mandoline, je ferois, madame, le tour de l’Irlande dans l’abondance, et chaque hutte seroit pour moi un capitole où j’aurois un triomphe, non aussi théâtral que ceux d’Italie, mais plus touchant et plus doux à mon âme, simple, modeste, ombrageuse.

—Votre langue est harmonieuse et pleine de voyelles et de désinences sonores. Je la croyois, dans mon ignorance, maussade et crue comme le patois anglois; je vous en demande pardon, sir Patrick.

Effectivement la langue irlandoise, qui ne tardera pas à disparoître comme tant d’autres,—l’anglois a déjà envahi plusieurs comtés,—est une langue superbe, elle a tout le génie d’une langue méridionale; ce n’est que dans l’espagnol qu’on peut trouver des mots aussi beaux, aussi sonores, aussi majestueux. Voyez seulement les noms propres; connoissez-vous rien de plus pompeux que ces mots de Barrymore! Baltimore! Connor! Magher esta Phana! Orrior! Slego! Mayo! Costello! Burrus! Killala! Ballinacur! Kinal-Meaki! Pobleobrien! Offa! Iffa! Arra! Ida! Killefenora! Inchiquin! Rossennalis! Banaghir! Corcomroe! Tunnichaly! Clonbrassil!...

Toutefois, c’étoit moins parce qu’elle étoit frappée de ces beautés, que par une pensée insidieuse, que madame Putiphar flétrissoit l’anglois, et réchauffoit par sa flatterie dans le cœur de Patrick l’amour glorieux de la patrie. Elle savoit que touts les amours sont frères, et qu’une âme où s’agite l’enthousiasme est un navire ordinairement peu difficile à capturer.

—Si je ne craignois, mon bel ami, de trop exiger de vous, je laisserois paroître une curiosité, que vous me pardonneriez sans doute, vous êtes si courtois; je vous laisserois voir combien je désire de connoître le sens de ces paroles que vous venez de chanter si langoureusement: ce doit être de l’amour? quelque amante brûlant d’enlacer dans ces bras un insensible, un ingrat, qui semble la dédaigner, qui semble ne point comprendre ce que lui dise ses regards enflammés, et ce que lui révèlent ses caresses.... Pauvre Sapho, qui rêve à Leucade! pauvre nymphe, pauvre naïade, qui s’épuise à briser la glace d’un étang!...

Patrick crut pouvoir, sans témérité, par l’accent de reproche avec lequel elles avoient été dites, soupçonner ces gratuites suppositions de madame Putiphar de faire directement allusion à sa position et à sa conduite. Blessé d’une pareille impudeur, il répondit sèchement à ses agaceries: Madame en voici la traduction:

«Mac-Donald passa de Cantir en Irlande, avec une troupe des siens, pour assister Tyrconel contre le grand O’Neal, avec lequel il étoit en guerre.

»Mac-Donald, en traversant le Root du comté d’Antrim, fut reçu avec amitié par Mac-Quillan, qui en étoit le maître.

»Mac-Quillan faisoit alors la guerre aux peuples qui habitoient au-delà de la rivière du Bann.

»L’usage des habitants de cette contrée étoit de se dépouiller réciproquement; et comme le plus fort avoit toujours raison, le droit ne servoit de rien.

»Le même jour que Mac-Donald partit pour joindre son ami Tyrconel, Mac-Quillan rassembla ses Galloglohs, pour se venger des outrages que lui avoient faits les puissantes peuplades du Bann.

»Mac-Donald, qui avoit été accueilli avec tant d’hospitalité par Mac-Quillan, crut qu’il ne seroit pas bien d’abandonner son hôte dans cette expédition périlleuse, et lui offrit ses services.

»Mac-Quillan accepta cette offre avec plaisir, en déclarant que lui et sa postérité en seroient reconnoissants. Les deux guerriers réunis attaquèrent l’ennemi, qui fut forcé de restituer au double tout ce qu’il avoit enlevé à Mac-Quillan.

»Ainsi se termina cette campagne, qui fut très-heureuse pour Mac-Quillan: il n’y perdit pas même un seul homme, et les deux partis rentrèrent chargés d’un butin considérable.

»L’hiver approchoit, et l’Irlandois invita l’Écossois à hiverner avec lui dans son château, et à loger sa troupe dans le Root. Mac-Donald y consentit; mais cette invitation devint funeste pour l’hôte.

»Car sa fille fut séduite par l’étranger, qui l’épousa en secret, sans son consentement. De ce mariage viennent les prétentions des Écossois sur les biens de Mac-Quillan.

»Les soldats d’Écosse furent logés chez les fermiers du Root; on les plaça de manière que dans chaque maison il y avoit un Écossois et un Gallogloh.

»Les paysans de Mac-Quillan donnoient à chaque Gallogloh, outre sa pitance, une jatte de lait. Cet usage fit naître une rixe entre un Écossois et un Gallogloh.

»L’étranger ayant demandé la même chose au fermier, le Gallogloh, prenant la défense de l’hôte, lui répondit: Comment osez-vous, gueux d’Écossois, vous comparer à moi ou à un des Galloglohs de Mac-Quillan!

»Le pauvre paysan, qui désiroit se voir débarrasser de touts les deux, leur dit: Mes amis, je vais ouvrir les deux portes; vous irez, dans le champ, vider votre querelle, et celui qui reviendra vainqueur aura le lait.

»Cette lutte fut terminée par la mort du Gallogloh, et l’Écossois revint tranquillement chez le fermier, et dîna de fort bon appétit.

»Les Galloglohs de Mac-Quillan s’assemblèrent immédiatement après ce meurtre pour venger le sang de leur frère. Ils examinèrent la conduite des Écossois, leur prépondérance dangereuse, et l’affront que leur chef avoit fait à leur chef en séduisant sa fille.

»Il fut arrêté que chaque Gallogloh tueroit son compagnon pendant la nuit, et qu’on n’épargneroit pas même leur capitaine. Mais la femme de Mac-Donald, ayant découvert le complot, avertit son époux, et les Écossois s’enfuirent dans l’île de Raghery.

»Depuis cette époque, les Mac-Donald et les Mac-Quillan se firent une guerre qui dura près d’un demi-siècle, et qui ne fut terminée que lorsque les deux partis portèrent leurs plaintes à Jacques Ier.

»Jacques favorisa son compatriote l’Écossois, et lui donna quatre grandes baronnies, et touts les biens de Mac-Quillan: mais, pour voiler cette injustice, il accorda à Mac-Quillan la baronnie d’Enishoven, et l’ancien territoire d’Ogherty: cette décision royale lui fut portée par sir John Chichester.

»Mac-Quillan, mécontent de ce jugement, et plus encore des difficultés de transporter tout son clan à travers le Bann et le Lough-Foyle, qui séparoient ses anciennes possessions des nouvelles, accepta l’offre du porteur des offres du Roi, qui lui proposoit ses propres terres.

»Mac-Quillan céda son droit sur la baronnie d’Enishoven contre des possessions plus à sa portée; et depuis lors les Chichester, qui par la suite obtinrent le titre de comtes de Donegal, sont possesseurs de ce pays considérable; et l’honnête Mac-Quillan se retira dans des terres de beaucoup inférieures aux siennes.»

Comme il achevoit la dernière strophe, on heurta à l’une des portes et l’on avertit madame Putiphar que le souper étoit servi.

Elle se leva aussitôt, et prit Patrick par la main pour le conduire.

—Je vous demande pardon, lui dit-elle avec coquetterie, si je prends la liberté de demeurer en un pareil négligé, mais je suis si paresseuse que je n’aurois pas le courage de faire une toilette.

Elle se mit donc à table comme elle étoit vêtue sur le canapé, c’est-à-dire nue dans une espèce de peignoir ou de robe-de-chambre de satin blanc que les dames du temps appeloient un laisse-tout-faire.

J’ai tort, peut-être, de rapporter ici ce mot impudique, mais il exprime si bien le dévergondage régnant à cette époque. N’est-ce pas, il dit plus, à lui tout seul, et résume mieux ses mœurs négatives que dix in-folio. C’est un de ces mots renfermant en eux-mêmes toute la chronique d’un autre âge, et qui demeurent à travers les siècles comme des monuments accusateurs des temps qui les ont fait naître. Celui-là porte en outre son étymologie en évidence, et n’est pas de ceux qui préparent des tortures aux Pierre Borel et aux Ménage futurs.

Étoit-ce une salle, un boudoir, un salon ou une chambre, la seconde pièce où ils se rendirent pour le souper? A quel usage étoit-elle destinée? Cela étoit difficile à reconnoître. Il y avoit de toute espèce de meubles, jusques à un lit dans une alcôve, jusques à une petite bibliothèque que Patrick un instant s’amusa à fouiller du regard pendant que la Putiphar faisoit quelques préparatifs. Tout au pourtour s’étaloient de larges sophas couvrant presque tout le parquet, et laissant à peine de quoi circuler autour de la table. Si en se balançant sur sa chaise ou sur ses jambes, troublé par un léger surcroît de boisson, on venoit à se renverser, on ne pouvoit faire qu’une chute délicieuse.

Patrick avoit imaginé qu’au souper il trouveroit nombreuse compagnie; quand il se vit, dans ce cabinet mystérieux, enfermé seul, en tête-à-tête, il commença à croire sérieusement, ce que son peu de présomption jusque là lui avoit empêché de faire, que madame Putiphar avoit sur lui des projets, et qu’il étoit en partie fine.

Son cœur se serra, son esprit s’emplit de dégoût en découvrant ce manège effronté pour circonvenir un homme, et pour le placer dans une nécessité. Il comprit alors toute sa position fausse et dangereuse. Il se maudissoit d’avoir accepté cette invitation. Se retirer étoit chose impossible: comment? pas de portes visibles, elles étoient cachées sous des tentures; où? Il ignoroit les aitres et les alentours de cette demeure. Puis les affidés le laisseroient-ils s’enfuir? Mille aventures galantes et sinistres lui repassoient alors dans l’esprit; d’ailleurs fuir ne le sauveroit pas du ressentiment de cette femme. Il se résigna donc puisqu’il étoit tout à fait à sa merci, déterminé à s’abandonner pour sa conduite à l’inspiration du moment, et se confia à la garde de Dieu.

Madame Putiphar étoit ce soir-là d’une amabilité obséquieuse et d’une facile gaieté, un courtisan l’auroit trouvée divine. Par tout ce qu’elle avoit d’agréable en son pouvoir elle essayoit à dérider le front soucieux de Patrick, et à lui mettre au cœur un peu de joie communicative.

Retranché derrière une douce politesse et une affabilité pleine de réserve, il conservoit toujours une dignité désespérante, que ne purent lui faire perdre ni les mets aphrodisiaques dont elle l’appâtoit, ni le vin-rancio qu’elle lui versoit à rasades. L’aisance et l’aplomb de Patrick la dépitoient surtout, ne lui permettant pas d’attribuer sa froideur à de la timidité ou de l’ingénuité.

Habituée, à grand renfort d’anecdotes et d’aventures licencieuses, à bercer et à mettre en belle humeur Pharaon, amateur de contes comme Scha-Baham, mais de contes bien scabreux, elle essaya du même procédé sur Patrick. Toute la cour fut passée en revue; maison du Roi, maison de la Reine, maison de la Dauphine, maison de Madame et de Mesdames, maison de monseigneur le duc d’Orléans; enfin tout le clergé et toute la ville.

Justement, la veille, elle avoit reçu le journal que lui tenoit de tout ce qui arrivoit d’étrange et de célèbre en son abbaye la Gourdan—alcahueta—de la rue Saint-Sauveur; le journal que M. de Sartines lui dressoit pareillement de touts les faits scandaleux et atroces ressortissant de la police de Paris et du Royaume; et le journal de sa police à elle, particulière, occulte et non moins active que celle du charlatan M. de Sartines.

Les drôleries les plus divertissantes, les historiettes les plus libidineuses, les énormités à faire tomber le feu du ciel ne manquèrent pas; mais, loin de produire le même effet sur l’esprit de Patrick que sur le royal esprit de Pharaon, ces turpitudes lui soulevèrent le cœur de dégoût, et l’affectèrent douloureusement.

Ainsi, tout le repas s’écoula en ces causeries entremélées de propos fort lestes, et d’agaceries sans ambiguïté.

Au dessert elle demanda cinq ou six flacons de champagne mousseux à madame du Hausset, qui seule avoit fait le service.

—Cinq ou six flacons de vin de champagne!... répéta Patrick d’un air émerveillé; madame, que voulez-vous faire de cette provision?

—Qu’est-ce que cela, mon bel ami, pour un grand garçon comme vous! Vous avez si peu voulu boire en mangeant que vous devez être oppressé?

—Bien loin de là, madame, j’ai bu, plus qu’à ma suffisance; j’ai accoutumé de vivre fort sobrement.

—N’allez-vous pas me faire accroire qu’avec deux bouteilles de champagne on vous avineroit comme feu le Régent. Allons, tendez votre verre; ne seriez-vous pas honteux de me laisser boire seule?

—Madame, vous allez m’enivrer, je ne suis point buveur.

—Vous n’êtes point buveur: qu’êtes-vous donc? qu’aimez-vous donc? Car un homme, un jeune homme surtout, impétueux, ne peut être sans aucune passion. Cela ne se voit point, cela n’est pas possible, cela seroit monstrueux! Mais quoi vous ronge! quoi vous domine? qu’aimez-vous? que faites-vous enfin! Seriez-vous joueur?...

—Joueur!... madame, je n’ai jamais mis les pieds dans un brelan.

—Vous n’êtes pas buveur, vous n’êtes pas joueur.... Aimez-vous les spectacles?

—Je ne m’y ennuie pas; mais ce n’est point un besoin pour moi.

—Vous n’êtes ni joueur, ni buveur, ni friand de spectacles... Aimez-vous la danse et le bal?

—Madame, je ferois le sacrifice de danser pour une femme que je chérirois, si le premier sacrifice que j’exigerois d’une femme semblable n’étoit pas celui de renoncer à la danse.

—Êtes-vous chasseur?

—Madame, je n’ai point en moi d’instinct féroce à assouvir. J’éprouve un trop constant sentiment d’admiration pour les fauves et les oiseaux, ces parfaites créatures, louanges vivantes de Dieu, pour prendre jamais à tâche de les anéantir. Je ne me crois pas meilleur bûcheron que chasseur: je rêverois sous un tilleul; j’écouterois chanter une alouette, mais je ne saurois les frapper, j’ai horreur de toute destruction.

—Vous faites par trop la bégueule, mon pastoureau; sans être, je pense, plus sanguinaire que vous, cette main, que vous avez couverte de baisers si tendres, aux chasses de Pharaon a plongé le couteau dans le cœur de plus de mille cerfs aux abois.

Récapitulons: vous n’êtes ni buveur, ni chasseur, ni joueur, ni amateur de bals et de spectacles.... Mon Dieu! qu’êtes-vous donc? qu’aimez-vous donc? parlez?... Ouvrez-vous?... Cela ferait venir de laides pensées.... auriez-vous de ces goûts honteux?... Non, c’est plutôt quelque penchant secret que vous n’osez avouer. Courage! parlez: on est bonne, on vous pardonnera, on vous pardonnera tout. Cela est bien pardonnable en effet: un jeune homme plein d’ardeur et de vie peut bien s’éprendre d’amour pour une femme, non sans quelques charmes encore, qui s’est laissée aller à lui, qui s’est plu à nourrir en lui un espoir peut-être orgueilleux; mais, non, ce jeune homme n’a point porté ses vues trop haut: il est aimé: tout est dit. Qu’il soit heureux!... Mais parlez donc; confiez-vous à moi, dites enfin quelle est cette passion?...

—J’aime....

—Qui?

—J’aime les femmes.

—Les femmes? Ah! c’est bien heureux!... Les femmes?... mais cela est fort vague. Les femmes, c’est un univers; n’y avez-vous point de patrie?

—Pardon, madame, j’en ai une qui remplit mon cœur, et qui le remplira à jamais.

—Belle?

—Belle!

—Noble et riche?

—Noble et riche.

—Jeune encore?

—Toute jeune.

—Vous êtes un adroit flatteur, Patrick. Allons, ce compliment vaut bien du champagne sans doute; allons, donnez votre verre.

Vertugadin! quelle bague avez-vous donc au doigt? quelle antiquaille! d’où sortez-vous cela? Mon Dieu! c’est quelque anneau trouvé dans le ventre d’un requin!

En poussant ces exclamations, madame Putiphar se leva de table, alla fouiller dans un coffret de laque de Chine, et revint auprès de Patrick.

—Donnez votre doigt, lui dit-elle; laissez que je vous ôte cette ridicule bague, et que j’y passe celle-ci plus digne de vous.

—Madame, tout-à-l’heure, ne vous ai-je pas dit qu’entre les femmes j’avois une amie?

—Oui.

—Jeune, belle, noble?

—Oui.

—Eh bien, madame, cette femme....

—Quoi! cette femme?...

—Pardon! il faut donc vous le dire, madame?... Eh bien, cette femme n’est pas marquise.

—N’est pas marquise!

—Et elle se nomme Déborah!

—Déborah!... Patrick! ah! vous êtes cruel!

—Cette bague, que vous vouliez m’arracher, est le signe de notre alliance; c’est son ayeul qui en expirant la lui donna. Déborah tenoit à ce gage autant qu’à sa propre vie; elle m’a confié l’un et l’autre.

La nuit, sous le ciel, en présence de Dieu et de la nature, j’ai tout accepté, femme et gage; et j’ai fait un serment que vous ne voudriez pas me voir parjurer.

—Autrefois, une petite fille vous a donné cette breloque, c’est bien; vous y tenez, gardez-la; mais qu’importe! Est-ce une raison pour que moi, aujourd’hui, à mon tour, je ne puisse vous offrir cet anneau précieux? Laissez, ils tiendront bien touts deux.

—Madame, je ne puis; je ne saurois avoir deux amours.

—N’en ayez qu’un, et faites-en deux parts.

—L’amour que j’ai, madame, ne se partage point.

—Qui vous parle d’amour? prenez seulement cette bague.

—Une bague est une alliance, madame.

—Hé, c’est bien pour cela.

—C’est un serment.

—Hé, c’est bien pour cela.

—L’un et l’autre sont faits, madame. Il est une femme, vous dis-je, à qui j’ai donné un amour éternel; ne vous obstinez pas, vos prières seroient vaines.

—Comprenez-vous que vous me faites un affront, jeune homme? Qui vous parle d’amour? qui vous demande de l’amour? imbécille!—Vous m’outragez, entendez-vous? vous m’outragez doublement en refusant cet anneau, et en me prêtant des intentions qui me couvrent de honte! Vous allez sortir, monsieur!

Mais c’est vraiment une pitié! Qui a pu vous faire croire que je voulois de vous, malheureux?... Moi, moi! vouloir de vous! m’abaisser, m’avilir jusque là!...

Bientôt on ne pourra plus faire l’aumône à un mendiant sans qu’il ne croie qu’on lui veuille acheter son amour!

Vous allez sortir, monsieur.

D’Hausset! d’Hausset! holà! faites monter mes gents, qu’on me jette cet homme à la porte!

J’étois folle, je crois!... Un mauvais Anglois, un petit mousquetaire, un homme de rien, de néant, un homme d’où je ne sais où, sur qui je répandois mes grâces, que j’élevois jusques à moi, que je voulois sauver!... car je voulois te sauver, misérable! car ton infamie n’est pas à terme!

Qui pouvoit donc me donner tant de dévouement et de confiance? Je savois tout. Je m’aveuglois sur toi. Lâche, tu fais donc le métier d’égorger et d’outrager les femmes! Tu es un assasin! Ton effigie pend sans doute encore au gibet de Tralée. Baisse donc ton front ignominieux, misérable contumax!

—Contumax!... Il est vrai, madame, que je suis aussi malheureux que juste. Contumax!... mais ce mot n’a-t-il pas d’écho en votre cœur? n’éveille-t-il point chez vous de souvenirs, et ne vous commande-t-il point de la pitié? Avez-vous donc perdu la mémoire, mademoiselle Poisson, madame Lenormand? Ne vous souvient-il plus de votre père le boucher des Invalides, qui, chargé de vols et de déprédations, s’enfuit on ne sait où pour éviter le glaive de la loi? Si vous savez si bien qui je suis, je sais quel il est et quelle vous êtes: vous savez que je suis innocent, et je sais qu’il ne l’est pas....

—Mon Dieu! mon Dieu! personne ne me délivrera donc de cet infâme! me laissera-t-on briser toutes les sonnettes!

Ah! vous voilà, messieurs, arrivez donc! entrez, et jetez-moi cet homme dehors.

En ce moment se montroient à l’une des portes quatre grands molosses en livrée.

—Ho! ho! messieurs, tout beau! Attendez, s’il vous plaît, j’ai encore un mot à dire à madame, leur cria Patrick! et, prenant dans la bibliothèque un volume de la Nouvelle Héloïse, il en feuilleta quelques pages, et ajouta: Ce mot que j’ai à dire n’est pas de moi, il est du citoyen de Genève; le voici:

La femme d’un charbonnier est plus estimable que la maîtresse d’un roi.

—Mon Dieu! mon Dieu! on ne me chassera donc pas cet homme!...

Les quatre valets s’avancèrent alors pour se saisir de lui.

—Holà, messieurs les laquais, ne m’approchez pas! Je suis entré ici avec les honneurs de la guerre, et je n’en sortirai qu’avec les honneurs de la guerre! s’écria Patrick, en tirant son épée: Ne m’approchez pas; le premier qui s’avance, je le tue!

Allons, laquais, des bougies!—Éclairez-moi,—montrez-moi le chemin,—je vous suis.

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