Madame Putiphar, vol 1 e 2
XXIX.
Le lendemain, sur le midi, du fond de sa prison, il entendit les trompettes sonner trois fois une chamade; cet appel extraordinaire le jeta dans un grand étonnement, et comme il se creusoit la tête pour s’en expliquer la cause, la grille de son cachot s’ouvrit. On le pria d’en sortir et de monter à son logement pour endosser son habit et son fourniment de grande tenue.
Quand il fut prêt, l’officier et les deux gardes qui, mousquet au bras, l’avoient accompagné le conduisirent dans la cour d’honneur.
Là, quelle fut sa stupéfaction, en voyant la Compagnie en armes, rangée tout au pourtour et formant un carré évidé.
A son arrivée les trompettes sonnèrent de nouveau, et on l’amena dans le milieu réservé, où se tenoient à cheval le capitaine-colonel et son état-major.
Il comprit seulement alors ce qui alloit se passer, et que c’étoit pour lui que la scène se préparoit.
A cette pensée, son âme se révolta; et, promenant autour de lui ses regards hautains, il fit un geste de défi comme pour appeler au combat, et porta la main à son épée; mais subitement un froid glacial parcourut ses veines, et un tremblement visible le saisit. Une sueur de moribond transpiroit sur son visage pâli; il chanceloit, ses oreilles bourdonnoient et siffloient, ses yeux ne voyoient plus, son esprit étoit anéanti.
C’est à ce moment qu’on le fit mettre à genoux.
M. de Villepastour ordonna au lieutenant rapporteur de faire la lecture de l’arrêt expulsant, lui, Patrick Fitz-Whyte, des Mousquetaires de la Garde comme un homme flétri par les lois, convaincu d’assassinat et pendu par contumace en Irlande.
Pendant le rapport de cette sentence la perception et le sentiment lui étant revenus, il avoit caché sa face dans ses mains. De grosses larmes filtroient à travers ses doigts, et des sanglots déchirants s’échappoient de sa poitrine oppressée.
—Mon Dieu! mon Dieu! murmuroit-il comme la nuit précédente dans la forêt, que me réservez-vous donc en l’autre vie, pour me faire celle-ci tant cruelle!
Après la lecture de l’arrêt, le lieutenant qui l’avoit faite s’avança vers Patrick, et lui enjoignit de se relever pour procéder à sa dégradation.
D’abord, on lui ôta par les pieds son sabre, ses aiguillettes et son baudrier; puis on lui arracha ses parements et ses revers, et un à un ses boutons aux armes royales. Puis on le dépouilla de son habit; puis on lui coupa les cheveux ras, comme à un condamné au dernier supplice, et on le revêtit d’une blaude et d’une capuce de grosse toile.
Les trompettes firent retentir l’air de leurs insultantes fanfares.
Et M. de Villepastour alors s’approcha de lui, et du haut de son cheval le frappa trois fois sur les reins du plat de son épée en criant trois fois:—Va-t’en,—sois banni!