Madame Putiphar, vol 1 e 2
XXVI.
L’heure du châtiment approchoit donc!
Oh! de grâce, avec moi, mes frères, croyez à l’expiation!—croyez à un Dieu punisseur ici-bas!—Sans cette croyance, hélas! rien n’a sa raison, rien n’a sa loi. Le monde n’est plus qu’un saccage éternel; l’Humanité un culbutis odieux et inextricable; la société un coupe-gorge, et la terre une lâche complice.
Sans cette croyance, tout demeure obscur, secret, ténébreux, honteux, pitoyable! Cette vie n’est plus qu’une énigme sans mot, un logogriphe défectueux, une charade ridicule et impossible! Tout revêt une image grotesque et absurde, depuis les plus infimes jusques aux plus grandes choses, depuis l’adversité solitaire du citoyen jusqu’à la chute retentissante des empires.
Sans cette croyance à l’expiation qui nous met dans la main la clef de touts les arcanes, on en arrive insensiblement aux déductions les plus bouffonnes, aux inductions les plus risibles, aux plus inimaginables folies; on en vient, par exemple, comme certain esprit de ce temps, qui passeroit quasi pour attentif, comme M. Thiers en un mot, à assigner à l’un des plus grands événements humains, à la Révolution françoise, je veux dire, pour cause immédiate et pour origine, une espèce de mauvais calambour fait en l’air par un petit conseiller au Parlement, un boute-feu, un bavard, un noblion dont le nom n’avoit même pas d’orthographe, M. d’Espré... ou d’Epréménil, un misérable bavard, dis-je, une lèpre, une plaie, car le bavard est le pire des fléaux, un histrion travesti en robin, un polichinelle, qui, dans les écuries du Roi, eût mérité de recevoir le fouet à c.. nu sous sa toge!
Je ne suis point un personnage, je ne suis ni grave ni important; je ne vise ni au timon de l’État, ni aux filles des receveurs de la gabelle, ni à la trompette de Clio; je ne suis qu’un simple romancier, pas un cheveu de plus! mais j’avoue cependant que si jamais il avoit été possible qu’un quolibet eût provoqué quelque événement, quelque cataclysme, je n’eusse voulu à aucun prix m’en faire l’historien!
Seize volumes sur les suites d’un jeu de mots, non, jamais! Je sais trop ce je me dois!
Io soy que soy!—comme diroit un Castillan.